Bac 2021: Des innovations porteuses

Chaque année, les autorités en charge des examens introduisent de nouvelles méthodes pour crédibiliser les examens. De la deuxième session, nous sommes au stade des compositions avec des séries alternées, des centres ouverts aux prisonniers et aux personnes à visibilité réduite; des vérificateurs pour détecter les faux.

Dans la grande salle de l’Onecs, au fond de l’immeuble où sont stockés les milliers de copies des candidats, se trouve un centre d’examen.  Cinq candidats de la série A4 Arabe, deux filles et trois garçons composent. Ils ont deux surveillants et un instituteur qui, à l’aide du braille, saisit toutes les épreuves. Les candidats composent normalement comme dans les autres centres d’examen.

A quelques kilomètres de là (Klessoum), sortie Est de N’Djaména, se trouve un autre centre d’examen. C’est le centre ouvert aux prisonniers, à la maison d’arrêt correctionnelle. 60 candidats libres et des réguliers y composent. Ils sont incarcérés peu de temps avant la date du déroulement du bac pour des infractions diverses.

La seconde innovation est l’instauration des vérificateurs. Chaque centre d’examen compte deux vérificateurs choisis par le président du centre. En salle, les candidats remplissent seulement les parties qui les concernent mais ne collent pas l’entête. Puis les vérificateurs contrôlent minutieusement la photo sur la carte biométrique et le visage ainsi que les informations sur la copie. Si les informations correspondent à celles qui figurent sur la carte, le vérificateur ferme le volet réservé au nom et prénoms du candidat. Par contre, en cas de suspicion, le candidat est sorti de la salle pour une ultime vérification par les superviseurs et le président du centre. Un appareil permettant de détecter les fausses cartes biométriques est remis à chaque centre et est utilisé en cas de doute. “Nous sommes comme des scanners faciaux, personne ne peut nous échapper”, ironise l’un des vérificateurs du centre Ibrahim Mahamat Itno dans le 1er arrondissement.

 

Une méthode efficace à améliorer

L’implication des vérificateurs dans cette session d’août 2021 a porté ses fruits. Elle a permis de déceler des mercenaires (des personnes venues composer à la place des autres). Ceux-ci ont été décelés dans les centres du Lycée de Walia, La liberté, Al Iman, etc.  Pour le dernier centre du Lycée Al Iman, le mercenaire, Ibrahim Hissein Djérou est un natif de N’Djaména. Enseignant de physique, formé à l’Ecole normale supérieure (Ens), depuis 2018, il a emprunté le nom de son complice, Hissein Ibrahim Djéry né à Amdjarass, pour composer à sa place.  En salle, pendant la composition de l’épreuve de mathématiques, il a écrit le nom de son complice cadet sur sa copie et a fini l’épreuve en une heure. Les vérificateurs qui l’ont détecté ont fait appel au président du centre qui, à son tour, a appelé les membres de l’Onecs. Pour Dr Andjaffa Djaldi Simon, président du jury: “C’est une réussite. Les vérificateurs nous ont permis de déceler plusieurs natures de fraude et de mettre la main sur les personnes de mauvaise foi”, se réjouit-il. Le président du centre Ibrahim Mahamat Itno, Mahamat Al-habib Adam Bahar, renchérit que “les vérificateurs permettent de bien identifier les candidats. Et en cas de mauvais remplissage, les candidats prennent une autre copie. Cela fluidifiera le travail au secrétariat qui ne prendra plus beaucoup de temps comme par le passé”.

Bien que les présidents des centres trouvent que c’est une innovation bénéfique, l’exécution de cette tâche est trop pénible que toutes les autres activités. Dans le même sillage, un vérificateur du centre Ibrahim Mahamat Itno pense nécessaire d’examiner ce travail et de l’améliorer. “Nous ne sommes que deux pour vérifier 1261 candidats dans notre centre et par épreuve. Une salle contient près de 40 à 50 candidats. A la fin, c’est épuisant de faire ce travail de routine, surtout que cela nécessite une concentration. Nous allons échanger avec les membres du jury, après examen de l’efficacité du travail de vérification afin de l’améliorer davantage. Peut-être, augmenter le nombre de vérificateurs ou changer de stratégie”, propose-t-il.

Nadjindo Alex

 

Bataille pour les miettes

Comme un loup à la chasse, beaucoup d’enseignants ont fait des pieds et des mains pour être correcteur ou surveillant. Bref, être impliqué dans le déroulement des épreuves du bac pour toucher des primes. Les examens du bac se présentent à eux comme l’ultime occasion d’avoir les “à-côtés” que les bureaucrates veulent leur arracher.

Ce qui donne lieu à un véritable trafic d’influence. Les coups de fil fusent de partout à destination des présidents des centres. “Il y a trop de pression. Dès qu’on entend que tu es président de centre, tu ne peux même pas décrocher ton téléphone. Tous les collègues, toute la famille te demande de la place”, témoigne le président du centre Ibn Al Haïssa, Abou Mahamat Limane. Certains présidents de centre ont cédé à la pression. C’est le cas au lycée de Walia où les enseignants ont accusé le président du centre et le proviseur d’avoir accordé 18 places à leurs proches. Au lycée de Diguel centre, un censeur a quitté, le 1er jour de la composition, le lycée en colère. Pour cause, son nom ne figure nulle part.

Même les inspecteurs se plaignent. L’un d’eux rencontré dans un centre informe que ce sont seulement 10 inspecteurs formés sur la centaine, qui sont retenus pour le compte du bac 2021. Le reste est composé des personnes coptées dans les quartiers et dans les deux ministères chargés de l’éducation.

LDA