Bientôt le départ des “faire-valoir” du Palais de la démocratie

La publication des listes définitives des candidatures aux législatives et locales par le Conseil constitutionnel actera la fin du Conseil national de transition (Cnt) et ouvrira la période de campagne pour la mise en place d’une nouvelle Assemblée nationale. Que retenir du travail fait par les conseillers nationaux décrétés, et quelle va être la configuration du futur Parlement ?

La campagne électorale pour les législatives et les locales qui débutera le  7décembre prochain, selon le chronogramme élaboré par l’Agence nationale de gestion des élections (Ange), mettra un terme au Conseil national de transition. Mais les conseillers nationaux continueront à siéger jusqu’à la mise en place effective de la nouvelle Assemblée. Si ces élections marqueraient la fin de la transition amorcée en avril 2021, il est nécessaire de faire une rétrospection sur le rôle jusqu’ici joué par les conseillers nationaux qui, tous, aujourd’hui, ont pris goût de l’ambiance du Palais de la démocratie. Car, dans l’esprit, qu’ils soient de l’alliance, de l’opposition ou même de la société civile, ceux qui ont mordu au premier appel de la fameuse “main tendue” du président de transition, la récompense après leur rôle joué au Palais de la démocratie consistant à faire passer tous les textes et lois comme lettre à la poste, serait leur maintien dans la future Assemblée nationale. Voilà que l’aventure s’arrête, pour la plupart des conseillers nationaux, chefs de parti ou responsables des associations de la société civile. Au moment où ils comptent sur le soutien du parti au pouvoir, grâce à son expertise en tripatouillage des élections, le secrétaire général du Mps, Mahamat Zen Bada Abbas les convie à une rencontre pour leur annoncer la fin des haricots. “Quand nous avons signé l’alliance, c’était pour accompagner un candidat à l’élection présidentielle. C’était clair. Nous n’avons pas fait une alliance pour aller vers les élections législatives. Même si cela choque, c’est la vérité. On ne crée pas un parti politique pour être allié. Il n’est dit nulle part que cette coalition partagera les 188 sièges”, a balancé sur la figure des membres de la coalition Tchad-uni, Mahamat Zen Bada, le 21 octobre dernier. A entendre le Sg du Mps réagir de la sorte, le parti au pouvoir s’est assuré, comme d’habitude que rien ne lui échappe pour sa “victoire éclatante” à ces élections. Pour les législatives par exemple, “sur les 188 sièges à pouvoir, le Mps aimerait arracher au moins 150 et le reste sera partagé entre ses alliés et ceux qu’on a du mal à considérer comme partis de l’opposition”, commente un militant du Mps.

 

Que retenir du passage de ces “faire-valoir” ?

Quand l’opinion se rend compte que la majorité des partis membres de la coalition Tchad-uni, qu’ils soient ceux créés pendant la période de transition, des mouvements armés transformés pour la circonstance en partis politiques pour faire le jeu du pouvoir, ou encore des anciens partis politiques en perte de repères, qui veulent s’accrocher à la coalition Tchad-uni pour espérer bénéficier encore de quelques strapontins pour le ventre de leurs responsables, la vocation fondamentale d’un parti politique qui est de conquérir le pouvoir pour apporter un changement significatif dans la vie des citoyens est mise à rude épreuve. Il n’y a qu’à voir le travail des conseillers nationaux qui consiste essentiellement, mais déplorablement à faire passer tous les textes par un vote oui sans profond examen. Selon des données accessibles, au moins 105 textes de lois sont adoptés comme lettre à la poste par le Conseil national de transition depuis avril 2021. Aucun texte transmis au Cnt n’a été renvoyé ne serait-ce qu’à la relecture. En dehors des deux ou trois membres du Cnt qui examinent les textes soumis à l’appréciation, qui apportent des critiques objectives, le reste est acquis à la cause du pouvoir qui les a placés. Leur rôle consiste à attendre le moment de vote pour dire “Oui”. Sans comprendre pourquoi ils disent “Oui”. Pour beaucoup, le niveau d’instruction et de compréhension de nos conseillers posent problème dans la perception des textes soumis à leur appréciation. “80% des questions posées par les Conseillers nationaux lors des plénières et débats n’ont rien à voir avec les sujets à l’ordre du jour”, déplore un journaliste habitué aux débats de l’hémicycle. Considérés comme des “faire-valoir”, les conseillers nationaux brillent par ailleurs, par une indiscipline notoire. En effet, lors des débats-plénières, certains conseillers s’endorment, effectuent des “va-et-vient” à n’en point finir. D’autres encore préfèrent se retirer de la salle sur le motif de prière pour ne plus revenir. Même ceux qui ont posé des questions, n’attendent pas à écouter les réponses des ministres concernés par les sujets à l’ordre du jour.

 

Conséquences des actes posés

Les conseillers nationaux, à travers leurs actes politiques sont au service d’un régime autocratique qui bafoue sans retenue, les principes fondamentaux de droits de l’homme. Ils ont été utilisés par le pouvoir pour faire valider tout ce qui concourt à maintenir le pouvoir en place. D’abord leur place au Conseil national de transition est une récompense due au rôle qu’ils ont joué dans les préparatifs jusqu’à l’organisation du Dialogue national inclusif dit souverain qui a tout donné à Mahamat Idriss Déby Itno. Ils font partie de ceux qui se sont réunis autour de la coalition pour un “Oui” au référendum constitutionnel qui, malgré la faible participation, a été une forfaiture car le “Oui” avait été vivement contesté, selon plusieurs sources. Ensuite, les conseillers nationaux sont arrivés à former avec le Mouvement patriotique du salut, la coalition Tchad-uni pour porter la candidature de Mahamat Idriss Déby Itno qui, en réalité s’est servi de l’armée clanique pour conserver le pouvoir de son défunt père. Quant aux conseillers nationaux, ils ont servi de caution pour valider la victoire à la Pyrrhus à Mahamat Kaka dans le but de démocratiser son coup d’état.

Alors qu’ils ont la possibilité de revenir, après leurs vacances parlementaires, examiner certaines ordonnances décriées par l’opinion, prises par le gouvernement pour légiférer pendant cette période, les conseillers nationaux se sont mus dans un mutisme et une indifférence inexplicables. Telles les 4 ordonnances taillées sur mesure, signées par Mahamat Idriss Déby Itno le 1er août 2023 qui, en réalité, portent gravement atteinte aux libertés fondamentales. Ces ordonnances interdisent systématiquement les manifestations publiques, les réunions publiques et attroupements. Aujourd’hui effectivement, aucune manifestation n’est permise quelle que soit sa nature. Ces ordonnances ont la prouesse d’étouffer toutes voix discordantes. Pour ceux qui osent dénoncer, ils sont enlevés par les services des renseignements étatiques, tels les cas du secrétaire général du Parti socialiste sans frontières, Robert Gam, de l’Abbé Madou et de bien d’autres anonymes.

Qu’ils soient issus des partis politiques, de la société civile ou de quelle entité que ce soit, les conseillers nationaux ne représentent rien pour le peuple tchadien meurtri. Au contraire, ils se sont rangés du côté du pouvoir régnant pour sévir. Ils ont cautionné la mise en place d’une dynastie en contrepartie des espèces sonnantes et trébuchantes, pour des strapontins. Après cela, ils espèrent se maintenir dans l’arène politique, grâce au soutien du pouvoir à l’issue des élections législatives et locales que boycotte l’opposition pour des raisons évidentes. Malheureusement, le soutien sur quoi ils comptent pour maintenir leur place dans la future Assemblée nationale a été retiré. Mais de toutes les façons, que ce soient de nouveaux visages à composer dans la nouvelle Assemblée nationale, c’est pour continuer le même travail : faire passer comme lettre à la poste, les textes de lois pour le maintien du Calife sur son trône hérité.

Nadjidoumdé D. Florent