Depuis la déclaration du président de la République annonçant la gratuité de l’électricité pour trois mois, les consommateurs se ruent au guichet de la Société nationale d’électricité (Sne), au quartier Bololo dans le 3ème arrondissement municipal. Des attroupements sans aucun respect des mesures barrières faisant craindre un risque de contamination à grande échelle.
“Le gratuit tue” ! Ce dicton a toute chance d’avoir sa place dans la distribution gratuite de l’énergie. Ce lundi matin, à l’entrée du service prépayé de la Sne, de longues files d’attente (environ 200 mètres) se dressent des deux côtés, dames et hommes confondus. Il y a parallèlement des groupes de clients découragés qui se sont retirés des rangs, assis sur des engins garés sous les arbres.
L’attroupement se perçoit à distance. On se croirait dans une foire. Ici, la peur de la contamination est le cadet des soucis de ceux qui se bousculent pour bénéficier des crédits de consommation gratuite d’électricité. Personne ne semble faire attention à la distanciation sociale, à part quelques rares personnes qui portent des cache-nez artisanaux. Pas de surveillance policière. Pas de kit pour le lavage de mains non plus. Ce qui compte : réussir vaille que vaille à parvenir devant le guichet qui charge son compte. “Je ne me sens pas en sécurité ici mais je n’ai pas le choix. Mon père m’a déposé à 6 h, entretemps il y avait déjà une cinquantaine de personnes”, raconte un jeune homme. La plupart de ceux qui sont près du portail se sont présentés au petit matin. Certains confient qu’ils sont arrivés à l’endroit à 5 heures voire 4 heures du matin pour attendre d’être servis. Déçu, un jeune homme quitte les lieux pour repartir chez lui. Il affiche sa grande déception à cause du comportement des agents de la Sne. “Nous avons cru que ça devait être automatique; les nouvelles qui nous sont parvenues faisaient état de se présenter ici pour avoir les crédits. Je suis arrivé très tôt, mais les agents de la Sne servent à la tête du client. En contrepartie, ils leurs donnent quelque chose. D’autres qui ont des parents ici se font également servir à temps”, accuse-t-il. Cette déception se lit sur tous les visages. Par contre, les femmes sont privilégiées. Elles reçoivent un traitement de faveur en se faisant servir avant les hommes. Ceux-ci crient à l’injustice.
A l’entrée des autres services où les clients ne sont pas censés transiter, des “privilégiés” y passent quand même pour se rendre au service prépayé. Devant ce portail, un militaire et un agent de sécurité privé demandent aux gens qui entrent de se laver les mains au robinet. Robinet devant lequel est assis un homme enturbanné qui questionne presque tous les usagers pour savoir s’ils ont déjà quelqu’un à l’intérieur pour des traitements de faveur. Car dans cette situation, les connaissances rendent un grand service.
Le piège de la gratuité d’électricité
L’électricité n’est pas gratuite à un certain niveau de consommation. L’Etat considère que la consommation à usage domestique de la tranche sociale admise ne peut excéder 150 kilowatts par mois. C’est ainsi qu’il accorde trois mois de consommation soit 450 kilowatts. Si la consommation excède le taux fixé par la mesure, le client est sommé de payer l’excédent au prix de 125 francs le kilowatt/heure au lieu de 85 francs.
En plus de la location du compteur qui est aussi gratuite durant ces trois mois, l’Etat offre 38.100 francs pour trois mois, soit 12.700 francs le mois à raison de 85 francs CFA par kWt/heure. Si les indices des compteurs dépassent ce volume, on suppose que le client n’est pas un démuni, il doit donc payer l’excédent.
Au lendemain du discours du président de la République le 16 avril, la Sne a fait une note d’orientation aux clients. Les abonnés en prépaiement sont orientés dans les caisses au quartier Bololo. Les cartes de ces derniers sont chargées pour trois mois soit 450 kW/h, quitte à eux de les gérer. La direction commerciale dit avoir procédé ainsi pour respecter les mesures de distanciation sociale. “Pour éviter les attroupements et respecter les mesures barrières de la propagation du Covid-19, nous avons décidé de recharger les cartes une seule fois pour la période de trois mois (150 kW/h x 3), explique Abdel-kérim Kormé Wachi, le directeur commercial et marketing de la Sne.
Pour les détenteurs des compteurs post-payés, les agents passeront relever les indices à la fin du mois de mai. S’ils constatent que les indices prélevés ne sont pas dans la norme autorisée (450 kW pour trois mois), le client payera les excédents.
Mais pour avoir accès au service de la Sne et se faire servir, le chemin est parsemé d’embûches. Un désordre est créé en plein cœur du quartier Bololo de N’Djaména.
NA et FBI, stagiaire
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