Le 10 août dernier à l’Agence universitaire francophone (Auf), le Dr Ahmat Yacoub Dabio entretient des étudiants de l’université de N’Djaména sur la prévention et la gestion du conflit universitaire.
Devenu endémique, le conflit en milieu universitaire peine à trouver de solutions durables. Afin de juguler ce mal social qui gangrène le milieu estudiantin et partant, toute la société tchadienne, Dr Ahmat Yacoub Dabio, expert en gestion des conflits et ancien conseiller du médiateur national, en donne la recette, tant pour la prévention que pour la gestion. “L’homme, dans son rapport quotidien à l’autre, doit être appliqué dans la gestion de ses états émotionnels que sont l’état-enfant et l’état-adulte”, enseigne-t-il. Du latin conflictus, qui pourrait se traduire par choc, le conflit est, selon le dictionnaire petit Robert, “une contestation entre deux puissances qui se disputent un droit. C’est aussi le résultat d’une action simultanée de motivations incompatibles. Bref, c’est une opposition de deux groupes sur un sentiment, un droit, un espace ou même une idéologie conduisant à une violence”. Autrement dit, le conflit est une situation sociale dans laquelle des acteurs en interdépendance poursuivent, soit des buts différents, défendent ses valeurs contradictoires, ont des intérêts divergents, soit poursuivent simultanément et compétitivement un même but”, complète Dr Ahmat Yacoub Tabio.
Ayant des causes religieuses, culturelles, sociales, politiques, économiques, etc., ces conflits qui débouchent souvent sur des conséquences désastreuses, peuvent être de types d’idées, d’intérêts, de position, de pouvoirs, d’identités, de personnes, de valeurs, d’affection et d’inter-culture. En l’espèce, “le conflit peut être organisationnel, administratif, interpersonnel”, et donc “peut opposer les membres d’administration de l’université, les enseignants entre eux, les enseignants et les étudiants, l’université et le ministère”, spécifie le conférencier, qui souligne que “nul n’ignore que depuis la création des institutions universitaires au Tchad, ces dernières ont toujours été secouées par des conflits qui conduisent à des conséquences non négligeables pour l’éducation des populations et surtout de la jeunesse”. En outre, “ces conflits qui naissent de la mauvaise gestion administrative entraînent l’élasticité de l’année académique”. Résultats : “le cycle de licence qui finit en trois années académiques dans la plupart des universités africaines, peut prendre facilement cinq années civiles aux étudiants tchadiens”, démontre-t-il. Parmi les causes internes, la corruption figure en bonne place. “L’un des points de désaccord, le plus flagrant est la corruption qui se manifeste à tous les niveaux”, affirme Dr Ahmat, avant de détailler : “de la présélection des candidats à l’attribution des notes en passant par le processus de recrutement et de traitement des enseignants par le ministère de l’Enseignement supérieur, la corruption bat son plein. Il faut, soit être parrainé, soit avoir suffisamment de moyens pour s’acheter une place”. “Or, poursuit-il, l’université n’est pas seulement un campus où l’on vient juste apprendre et valider les matières en vue d’obtenir des diplômes, mais un lieu parfait de socialisation et de construction de l’espèce humaine qu’il faut entretenir pour en faire l’homme capable de diriger et de développer son pays”, conclut-il. “La politisation de l’université n’est-elle pas la cause essentielle des conflits universitaires interminables ?”, assène une étudiante. Question à laquelle, Dr Ahmat répond par l’affirmative.
Thomas Reoukoubou
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