Djémila adoubée par le Mbang de Bédaya

L’artiste musicienne Djémila Carole Mad-toingué a reçu l’onction du Mbang de Bédaye à l’issue de la première étape de la phase 1 de son projet de recherche musicale dénommée “Do-nang”, lors de son séjour effectué du 20 au 31 janvier 2022 dans la province du Mandoul.

Les localités visitées et investies lors de cette descente de terrain dans le Mandoul sont Koumra, Bédaya, Bourou, Bégué et Békamba. Des rencontres avec des détenteurs du savoir et savoir-faire dans les domaines des fabrications des instruments traditionnels de musique, des danses, chants et rythmes divers sont organisées. Le chef suprême des chefferies traditionnelles de la zone méridionale, le Mbang de Bédaya a accueilli Djémila et son équipe. L’attention particulière accordée à l’égard de cette jeune équipe à la recherche de son savoir est à saluer, d’autant plus que le Mbang invite officiellement l’équipe à revenir en avril prochain, lors des cérémonies du “Nan B’nan” (la fête des semailles) qui précède les semences dans le terroir au début de la saison des pluies. C’est lors de cette cérémonie que beaucoup d’évènements culturels et artistiques sont présentés avec les instruments traditionnels divers. Cette occasion permettra à l’équipe de Djémila de mieux s’imprégner des rythmes, chants et danses du terroir et de les capitaliser.
C’est une première descente positive qui a fourni des matériaux à Djémila et son équipe, qui ambitionne aller vers une fusion entre les musiques, rythmes du monde et les danses du Tchad dans toute leur splendeur, en imbriquant les instruments traditionnels et modernes, afin de les porter au-delà des frontières ; contribuer à l’enracinement d’une culture de paix durable et au développement d’une cohésion nationale à travers les expressions profondes de nos cultures authentiques ; créer des passerelles d’échanges entre les couches socioculturelles au sein de différentes communautés ; s’inspirer des travaux de terrain pour des restitutions authentiques à travers des spectacles ; réaliser un documentaire (clip vidéo et un album audio).

Do-nang (la terre) ou le retour aux sources
Do-nang est un projet artistique et culturel qui consiste à redescendre dans les terroirs, exhumer les rythmes, chants, danses et instruments traditionnels dont certains sont en voie de disparition. Cela aux fins de les préserver, promouvoir et valoriser leur pratique. Un projet qui tient tant à cœur Djémila, et qui a reçu une oreille attentive de l’Institut français du Tchad (Ift) qui l’appuie et l’accompagne dans sa phase pilote. Do-nang vise également à créer une passerelle entre les instruments, chants, danses et rythmes des terroirs, afin de véhiculer des messages de paix et de cohésion nationale. Les différents conflits intercommunautaires mettent à mal le vivre-ensemble exacerbé par des tensions politiques récurrentes. Les différents conflits politico-militaires qu’a connus le Tchad ont désagrégé le tissu social, le vivre-ensemble et continuent d’être un frein pour le développement de la culture. Or, il est reconnu que la culture est un élément fédérateur et socle de tout développement. “A travers ce projet, nous voulons redonner un nouvel élan de développement par le biais de la culture et rapprocher les populations tchadiennes”, soutient Djémila. Elle justifie que ce projet est né d’un constat. Celui d’un manque de cadre et de temps de recherche, pour les artistes afin de produire un travail qualitatif. Cela impacte négativement l’identité de la musique tchadienne calquée sur les rythmes d’ailleurs. C’est pourquoi, il est question d’aller dans les terroirs, puiser les matériaux (rythmes, chants, danses, instruments) pour construire une musique identitaire de référence au Tchad.
Le projet ambitionne d’aller à la recherche du patrimoine musical matériel et immatériel, afin de le faire découvrir, le valoriser et le préserver. Il est également question de contribuer à la promotion d’une cohésion nationale entre les populations à travers un brassage interculturel.
Les provinces du Mandoul, Ouaddaï et Lac-Tchad sont concernées par cette phase pilote.

Roy Moussa