Djérassem dans le pétrin de l’Ige

L’ancien ministre de Pétrole et des mines, Djérassem Le Bémadjiel est entre les mains des autorités judiciaires depuis la matinée du 2 septembre 2020, suite à une plainte de l’Inspection générale d’Etat (Ige) qui l’accuse de détournement des deniers publics, utilisation illicite des biens de l’Etat, corruption, atteinte à la fortune publique, abus de fonction et de confiance, enrichissement illicite, complicité de détournement des deniers publics et entrave au bon fonctionnement de la justice.

Ce sont les principaux chefs d’accusation à lire dans la plainte que l’Ige a transmise au Procureur général près la Cour d’appel de N’Djaména, le 18 août. L’institution annonce avoir relevé “plusieurs irrégularités et des fautes de gestion” après la mission de contrôle et de vérification de la gestion des ressources humaines, financières et matérielles du ministère de Pétrole, des mines et de l’énergie et les entités sous tutelle. Selon l’Ige, entre 2013 et 2014, le ministère de Pétrole a signé deux contrats d’audit avec Alex stewart international, cabinet d’audit américain et Cameroun audit conseil (Cac), de nationalité camerounaise. Le montant initial de la dérogation accordée par l’Organe en charge des marchés publics (Ocmp)  pour ces deux contrats s’élève à 19 630 000 de dollars, soit environ 10 milliards de nos francs. Curieusement, relève l’Ige, ce montant sera majoré à la signature de ces deux contrats à 20 178 250 dollars, soit 548 250 dollars de plus, environ 300 millions de francs CFA. Concernant l’exécution de ces contrats, l’inspection d’Etat reproche à l’ex ministre d’avoir systématiquement autorisé le payement de 25 factures d’un montant cumulé de 16 900 000 dollars à titre d’honoraires à Alex stewart international et ce, en violation flagrante des dispositions contractuelles. Sinon les termes du contrat mentionnent qu’Alex stewart international devrait déposer six rapports définitifs sur une période de 24 mois. Or, il s’avère que ce cabinet ait déposé seulement deux rapports, mais cela n’aurait pas dissuadé Djérassem Le Bemadjiel, qui aurait autorisé le payement des factures d’un montant de 9 600 000 dollars.

L’Ige reproche aussi à l’ancien ministre de pétrole d’avoir proféré des injures et menaces diverses à l’endroit de son chef mission, refusant de se présenter pour des séances de travail.

“C’est un acharnement”

Réagissant à l’arrestation de son client, le 3 septembre, Me Doumra Manassé, avocat à la Cour, indique que les faits reprochés à l’ancien ministre sont couverts par l’immunité. “En plus, il semble dire qu’on est en train de chercher des poux sur la tête d’un chauve. Sinon, mon client a fait un excellent travail qu’aucun autre ministre de Pétrole n’a réussi à faire et a fait gagner beaucoup d’argent au Tchad”. Pour Me Doumra Manassé, c’est tout simplement “un acharnement politique” contre son client. “Depuis son départ de la tête du ministère de Pétrole il y a 4 ans, 11 audits ont été réalisés et ces audits ont révélé qu’il n’y a rien. En plus, c’est le seul ministre tchadien qui a fait annuler un faux contrat de pétrole”, défend-il.

Outre l’argument d’homme sain avancé par l’avocat, il dénonce un vice de procédure. “Sans convocation, la police a débarqué et l’a embarqué violemment sans lui laisser le temps de s’habiller. Les conditions d’émission du mandat d’amener ne sont pas réunies. Il faut qu’il ait refus à comparution à plusieurs convocations émises. Ce qui n’était pas le cas”, souligne-t-il.

Dans son point de presse du 3 septembre, l’avocat relève également la violation du principe du contradictoire qui devrait régir l’organisation et le fonctionnement de l’Ige.

Après la période de garde à vue passée à la coordination de la police judiciaire, le dossier Bémadjiel est entre les mains d’un juge d’instruction dans la soirée du 4 septembre. Celui-ci  dispose de cinq jours, à compter de ce jour, selon nos sources,  pour situer les parties sur la suite à donner à la procédure.

Entretemps, l’ancien ministre est détenu à la coordination de la police judiciaire, et non à la maison d’arrêt, pour des raisons de sa sécurité, selon des sources judiciaires.

Alladoum Leh-Ngarhoulem G.&

Lanka Daba Armel