Djingring Kass, l’exemple de la gouvernance locale

Les villages Djingring Kass 1 et 2 dans le département de Gueni (province du Logone occidental), se sont appropriés le projet pilote “Communauté amie des enfants avec un suivi en temps réel (Cfc-Rtm) pour la survie et le développement de l’enfant”, dans les établissements de santé et au niveau communautaire. Un exemple à dupliquer.

Au village Djingring Kass 1, il est observé ce 26 juillet 2023, des allées et venues ainsi que des regroupements ci et là. Des mouvements inhabituels en somme pour ce village qui, d’habitude se caractérise par un calme olympien en dehors des festivités rituelles ou cérémonies programmées. Sur la place publique du village, sous le gros manguier, un attroupement attire l’attention par le nombre de femmes avec des enfants et nourrissons attachés au dos, sous les aisselles, à la poitrine, donnant l’impression d’être dans un centre pédiatrique. Ces dames et filles-mères entourent un infirmier en blouse blanche, assis devant une glacière, à côté d’une tablette où sont déposés un lot de seringues, des fiches et carnets, au milieu des oins-oins des enfants. C’est la vaccination de routine administrée aux enfants de 0 à 11 mois, en fonction de leur calendrier vaccinal. L’infirmier prend le temps de vérifier le carnet de vaccination avant de donner trois gouttes dans la bouche par-ci, des injections à la cuisse, à l’avant-bras ou à l’épaule par-là, en fonction du type de vaccin.

Un peu plus loin, un jeune, tablette à la main se dirige vers une concession. C’est Djingambaye Laurent qui se présente comme un agent de santé communautaire (Asc). Son travail consiste à faire le tour des ménages, pour recueillir des informations dans les familles et disposer des données en temps réel. Bref, c’est le suivi en temps réel des femmes et enfants, en ce qui concerne les consultations prénatales (Cpn), postnatales, à travers le calendrier vaccinal des enfants ; l’attribution d’acte de naissance au nouveau-né ; le nombre de grossesses avant le dernier accouchement ; la date de la dernière règle ; le nombre d’enfants par ménage ; s’assurer de la consommation d’eau potable, de l’usage d’une latrine, de moustiquaire imprégnée, de l’allaitement maternel exclusif ; etc.

Pour le cas de dame Memhodjim Florence, 23 ans, et mère de trois enfants, les données introduites signalent qu’elle n’a pas retiré à la mairie l’acte de naissance de son dernier enfant (Djélassem Timothée), né le 16 janvier 2023. Ce dont la maman avoue, alors que l’acte est automatiquement et gratuitement établi dès la naissance de l’enfant. Dans la même cour, dame Kamnada Brigitte, 24 ans, informe que sa fille, Médjiallade Caroline, est née le 28 septembre 2018. Ce que la tablette rejette puisque l’enfant avait déjà été enregistrée à la naissance. Ce qui veut dire que la maman s’est trompée, rectifie Laurent, satisfait de sa tablette qui joue le rôle de veille. “Dès que la date de la Cpn de la femme enceinte ou de la vaccination de l’enfant arrive, des points lumineux s’affichent rouge sur l’appareil, et je passe rappeler à la dame de se rendre au centre de santé. Une fois consultée ou vaccinée, le voyant devient vert dès que les données sont entrées”, explique Laurent, le veilleur.

Quand la population s’implique

En traversant les cours des habitations, pratiquement sans clôture pour la plupart, un groupe de personnes (hommes et femmes) est assis en conciliabule. La parole est donnée tour à tour. C’est la plateforme communautaire multisectorielle qui réunit les deux villages dans sa réunion périodique. Djigreou Nabeun Noël, le président de ladite plateforme renseigne que c’est une réunion de mobilisation des fonds, pour la construction d’un centre de santé communautaire. C’est la phase de collecte des briques et à cet effet, il est remis au chef de village des tickets moyennant 1000 francs CFA par ménage, afin de réunir l’argent nécessaire pour la fabrication des briques. La plateforme communautaire multisectorielle composée de 12 personnes par village (Djingring Kass 1 et 2), est suscitée et mise en place avec l’appui de l’Unicef qui intervient dans le département de Krim-Krim, souligne le président. “Cette initiative permet de nous prendre en charge, en identifiant nos problèmes afin de prendre des décisions qui s’imposent. Nous nous réunissons une fois par mois autour d’un thème précis que nous débattons, puis allons vers une décision pour des actions concrètes et concertées. Ensuite, nous informons et expliquons à la population le bien fondé des actions à mener, avant de solliciter sa contribution de quelle que nature que ce soit”, ajoute le président, avant que la plateforme ne passe aux priorités suivantes. A titre d’exemple, le président annonce que l’école n’avait pas de latrines, et il a été décidé d’en construire deux. “Nous sommes allés vers le chef du village qui a mobilisé la population, afin de contribuer à la construction en fournissant des briques ou en cotisant 500 francs CFA par ménage. Ce qui est fait. Ensuite, nous avons mobilisé très tôt la population pour la construction des hangars parce qu’il n’y a pas assez de salles de classe construites en matériaux durables. Puis, nous avons sensibilisé les parents à envoyer massivement les filles à l’école, au lieu de les maintenir à la maison pour des travaux domestiques. Les parents ont également été sollicités pour contribuer à prendre en charge les maîtres communautaires, à travers l’Association des parents d’élèves (Ape)”.

Un autre groupe est réuni de l’autre côté du village, en pleine causerie sur la problématique de l’eau, hygiène et assainissement. Le chef du village de Djingring Kass 1, Mianlelem Jean-Marie, apprécie grandement l’appui de l’Unicef, qui s’est manifesté d’abord avec la prise en charge des enfants souffrant de certaines maladies évitables, le conseil à l’utilisation et à la construction des latrines, ainsi que la formation des Asc qui assurent la couverture vaccinale. Son souhait est que l’Unicef ne s’arrête pas là, parce que la difficulté prioritaire du village est le manque d’une structure de santé. Il faut, selon lui, former davantage les Asc: “Il faut parcourir 7 km pour se rendre au centre de santé de Krim-Krim quand il y a un cas de maladie. Mais si cela survient tard la nuit et que nous disposons d’un centre de santé, les premiers soins seront administrés sur place ici avant le transfèrement du malade si cela se complique. Surtout, pour les enfants et les femmes enceintes”, observe Jean-Marie.

Ce projet pilote, composé de 5 composantes (gouvernance locale, système communautaire multisectoriel intégré, offre de services, partenariat et suivi en temps réel) qui marche à Djingring Kass, initié par l’Unicef et ses partenaires, est mis en œuvre dans cinq pays, notamment la Rd Congo, Guinée, Libéria, Nigeria et le Tchad. “Le gouvernement du Tchad a adhéré à cette initiative, qui est un contrôle citoyen appelé Plateforme communautaire multisectorielle de redevabilité sociale et de gouvernance locale”, précise l’un des responsables du projet au niveau de l’Unicef.

Roy Moussa