Du sang et des larmes

Tel est le titre de l’œuvre théâtrale de 90 pages, proposé par Djim de Busy de son nom d’auteur, paru aux éditions Toumai et présenté le 4 juin 2021 au Cefod, en plus d’un recueil de 12 nouvelles titré “Appelez-moi mon commissaire”.

Pour ce qui est de l’œuvre théâtrale, la couverture de l’œuvre, sur fond de couleur vert olive, présente à sa Une, outre le titre, une image composée d’un fusil mitrailleur appelé communément Kalachnikov, sur lequel sont posées deux grenades. L’œuvre est introduite par un propos d’Anatole France: “Tous les changements, même les plus souhaités, ont leur mélancolies (…)”. La didascalie qui suit installe les personnages pour la suite dans les sept actes subdivisés en 12 scènes, et précède l’ode du fou du quartier, dont les propos ouvrent la scène. Le monologue du fou du quartier auquel personne ne semble faire attention, est justement fait des propos qui devraient attirer l’attention, car la République se porte mal. Dans la République de Homelessland, l’heure est grave. Les fonctionnaires grognent, les étudiants menacent d’exploser et la population est au bord de l’implosion. Les grèves se succèdent, pendant qu’une grande partie de l’armée, lésée et frustrée par le comportement du président-fondateur, qui a fait la part belle aux siens, a déserté les casernes pour entrer en rébellion. Une rébellion menée par le rusé et redoutable capitaine Mahamat Sakhine, un propulsé du guide éclairé.

Retranché dans son palais, le président de la république, le guide éclairé suit les nouvelles qui lui parviennent, et qui ne sont guère rassurantes. Qu’elles proviennent de son chef d’état-major militaire, des conseillers ou des différentes stations radios de la capitale. Tel un lion en cage, il tourne en rond, effectue des va-et-vient dans le salon, face à son dernier carré de fidèles. Il tente de se donner de l’assurance et de la contenance, en élevant la voix, pour justifier son intention de ne pas abandonner le pouvoir: “Oser se rebeller contre moi, ces moins que rien ? Provoquer une mutinerie dans mon armée à moi… ma force, ma puissance, s’enfuir en direction de mes grottes et y créer une rébellion contre moi (…) des chétifs voleurs de chameaux, des illettrés que j’ai enrôlés dans le maquis, que j’ai pris sous mes ailes, a qui j’ai donné des galons, des femmes, la belle vie et voilà devenu chef militaire, il me remercie prenant le large avec une partie de mon armée (…) je me suis assis sur la balance de leur côté, au détriment des autres ethnies, pour leur permettre de les dépasser, du moins de rattraper les autres, eux qui avaient l’école en horreur. Et voilà que ce fils de Satan cherche par tous les moyens à me renverser. Il ne sait pas qu’une fois cela réussi, c’est du surplace assuré de toute notre septentrion du pays en général”.

La peur s’installe aussi sur le pays, lorsque les stations de radio diffusent à longueur de journée, des informations contradictoires. Selon la station captée, le bilan des combats entre forces gouvernementales et rebelles est favorable à un camp ou à un autre. Ce qui sème la confusion dans l’esprit de la population. Le chef des renseignements généraux est convoqué au palais, ou le guide lui intime l’ordre de faire surveiller tous les grands commerçants et les hommes influents de la tribu Wako des rebelles. Les frontières également doivent être sous haute surveillance, ainsi que tous les téléphones des usagers sur écoute. Ce qui va donner lieu à des abus (chantage, escroquerie, racket et filouterie) de la part des agents de renseignements. Ce que dénonce une seconde fois le fou du quartier, sans toujours attirer l’attention par ses mises en garde. Malgré toutes les dispositions prises, pour contrer la rébellion, cette dernière avance rapidement et est aux portes de la capitale. Les jours du dictateur sont ainsi comptés. Ce dernier comprend que les rebelles sont appuyés par ces amis d’hier, devenus ingrats aujourd’hui : “Des salauds, ces “Do pélés’’ comme l’autre les a surnommés. Et dire que je les croyais de vrais amis à moi (…) prêts à vous aider à prendre le pouvoir et aussi vite à vous brouiller avec les vôtres et récupérer le pouvoir pour le plus offrant, … comme des putes qui courent derrière l’argent ou des promesses d’argent. La mutinerie dans mon armée est une de leurs œuvres. Ils ne visent que leur intérêt. Bases militaires, conseillers militaires,… ils ne sont là que pour nous espionner et guettent la moindre occasion propice pour un coup d’Etat!”.

Le fin mot de cette pièce théâtrale, se trouve dans la suite de la lecture, qui est vivement conseillé. Djim de busy de son vrai nom Madingar Djimra est commissaire de police et écrivain. Son écriture dans cette œuvre, rejoint celui de bon nombre d’auteurs et écrivains tchadiens, qui font de la rébellion et de la guerre civile, le classique de la Littérature tchadienne d’aujourd’hui, en quête d’une société éprise de  paix.

Cette présentation a vu la présence de bon nombre des collègues de l’auteur, généraux, officiers supérieurs de police, parents et amis. Ainsi que d’un invité spécial, le commissaire divisionnaire Ngakoutou Samafou, à qui, l’auteur a rendu un vibrant hommage, pour son appui et son encouragement constant à écrire.

Roy Moussa