Entre désarroi et détresse des sinistrés

Depuis la fin du mois d’octobre, la montée des eaux des fleuves Chari et Logone fait des sans-abris à N’Djaména et beaucoup plus dans le 9ème arrondissement. Ces sinistrés regroupés sur différents sites éprouvent toujours de difficultés à survivre. C’est la détresse.

Une inondation sans pluie. C’est ce que vivent les habitants de la commune du 9ème arrondissement de la capitale tchadienne. Pendant que les sinistrés des inondations des eaux pluviales songeaient à regagner leurs domiciles, ils ont été rejoints par les sinistrés des inondations causées par le débordement des fleuves Logone et Chari. Selon les estimations des autorités communales du 9ème arrondissement, au moins 3 000 ménages sont touchés par cette catastrophe qui continue à progresser.

Sur les différents sites d’accueil, les rideaux transformés en huttes s’étendent à perte de vue. Les aides n’arrivent qu’aux compte-gouttes. Entretemps, les enfants commencent à tomber malades. “J’ai six enfants qui sont tous tombés malades. Avec le changement climatique, il fait très frais et les enfants ne supportent pas. Les rideaux-là ne servent pas à grand-chose”, se plaint Dobé Kréo, un maçon arrivé il y a trois jours sur le site des sinistrés installé juste au bord de la voie bitumée à Walia.

A la mi-journée du 5 novembre, une équipe de la commune du 9ème arrondissement, assistée des agents de la Croix rouge et des policiers a distribué des kits de vivres constitués de sacs de maïs de 50 kg, de haricot, bidons d’huile de 10 litres et des pâtes alimentaires. Tout autour, c’est une foule immense, certains sur la pointe des pieds et d’autres assis espèrent entendre leurs noms sortir du mégaphone afin de recevoir le kit alimentaire. Banga Théophile, père de famille de 4 enfants s’est inscrit depuis 4 jours, il attend désespérément d’écouter son nom. “Je ne comprends rien. C’est vraiment très louche. Il y a des gens qui sont venus après moi mais qui ont déjà reçu leurs kits. Ils ne distribuent pas par ordre d’arrivée mais c’est par connaissance. Il y a une catégorie de gens qui est privilégiée”, dénonce-t-il.

Mais les autorités communales du 9ème arrondissement expliquent la chose autrement. “Nous avons de sérieux problèmes par rapport à la distribution. Les kits ne sont pas au nombre des sinistrés. Il  y a ceux qui ne sont pas encore enregistrés au jour le jour, le nombre augmente. L’enregistrement des sinistrés se passe devant chaque case des sinistrés, mais on ne sait pas si certaines personnes ne sont pas des sinistrés, ce n’est pas facile de connaître si telle personne est sinistrée ou pas”, explique le secrétaire général de la commune Amon Boubakary.

Si certains sinistrés installés au bord de la grande voie ont reçu des kits alimentaires et des huttes plus ou moins confortables, ceux qui sont installés sur un site au quartier Walia Hadjaraye attendent toujours. Ils ont été recensés mais attendent du concret. Aussi, leur refuge est menacé par les eaux, et c’est ce qui inquiète les sinistrés. “Où iront les gens si l’eau envahit ce site? Nous n’avons pas les moyens pour acheter la terre. C’est pourquoi j’ai demandé aux enfants de creuser un peu de terre pour faire la digue en espérant que des personnes de bonne volonté nous donnent du remblais sinon, ce serait la catastrophe”, craint l’adjoint au chef de carré près du camp, Naguerngué Ngartaouda. Tout autour du camp des sinistrés, les habitants sont très prévoyants. La majorité a élevé des digues autour des maisons avec des sacs remplis de remblai. Dans les camps, les enfants passent leur journée à jouer, leurs écoles étant dans l’eau. Une ambiance qui est loin de plaire à certaines personnes. “Je n’arrive pas à étudier. Quand je finis tôt à la fac, je me retire pour lire sinon ici au camp, il y a trop de désordre en journée comme dans la nuit’’ explique Narcisse, étudiant installé au camp de sinistrés de Toukra.

Les activités socioéconomiques sont aussi plombées. Un véritable contraste pour les parents. Pendant que les besoins d’argent s’accroissent, les revenus diminuent. “Moi je suis mécanicien mais depuis le 1er novembre, je ne travaille pas, l’eau a déjà pris mon garage”, se lamente Hassan Batha.  Abdelkerim Senoussi, propriétaire d’une boutique quant à lui pense déjà à l’après inondation. “La moitié de ce que j’ai pu sauver, c’est ce que je vends ici. Toutes mes deux chambres sont écroulées. Je ne sais pas où je vais installer ma famille quand les eaux vont partir d’autant plus que je ne fais pas assez de recettes ici au camp”.

Les inondations causées par les crues des fleuves Chari et Logone présentent   une situation qui est encore loin de connaître son épilogue. Pour le climato-hydrologue et enseignant-chercheur, Dr Bahoutou Laouhoté, ces inondations sont dues aux crues des fleuves Chari et Logone qui affectent les concessions installées dans les lits majeurs de ces fleuves. La solution à envisager c’est soit construire des digues de protection le long des berges de ces cours d’eau et des bassins de rétention d’eau à l’intérieur des quartiers. Soit, les populations victimes de ces inondations, si elles désirent rester, doivent d’abord élever leur terrain et construire des habitations en matériaux durables. Sinon, explique le climato-hydrologue, avec le réchauffement climatique, les précipitations doivent augmenter et provoqueront des inondations qui seront récurrentes. A cet effet, ceux qui n’ont pas les moyens de construire en matériaux durables ont intérêt à déguerpir le coin.

Lanka Daba Armel

& Maxime Mitan stagiaire