Les journalistes et les Forces de défense et de sécurité (Fds) ont échangé deux jours durant (20 et 21 décembre 2022), autour du thème “l’intégration de la sécurité des journalistes dans les pratiques professionnelles des hommes des médias et des Fds au Tchad”.
Des échanges initiés en vue de redéfinir leur collaboration, pour contribuer à l’amélioration des relations professionnelles entre les journalistes, les Fds, les magistrats et booster le débat sur l’accès à l’information au Tchad. Journalistes et responsables des organes des médias, officiers supérieurs des forces de l’ordre et de sécurité, notamment les responsables des différents services de police, de l’armée, ainsi que les magistrats, les défenseurs des droits humains et des administrateurs y ont pris part.
Intégrer la sécurité des journalistes sous toutes ses formes
Pour l’Union des journalistes tchadiens (Ujt) à l’origine de l’initiative, une grande majorité des journalistes exerçant dans les médias tchadiens sont formés sur le tas. Par conséquent, ils ne disposent pas d’importantes connaissances de base qui peuvent les conduire à des pratiques professionnelles qui les sécurisent. Il en est de même pour les éléments des Fds, qui doivent aussi être formés à l’intégration de la sécurité et la protection des journalistes dans leur travail.
L’Ujt s’appuie sur le fait que la démocratie au Tchad est encore embryonnaire. Les valeurs démocratiques y sont très peu partagées par les populations ainsi que les acteurs politiques. Le rôle des médias dans la consolidation de la démocratie reste mal compris par les politiques, ainsi que les Fds. Les journalistes travaillent dans des conditions difficiles, et font souvent l’objet d’arrestations, de harcèlements et de maltraitance par certains éléments des Fds. Par ailleurs, les autorités administratives coopèrent très peu ou pas avec les médias, faisant de l’accès à l’information officielle une gageure. Une opacité qui, face à la nécessité d’informer les populations, laisse libre cours à des pratiques journalistiques non éthiques. Les médias tchadiens, très peu viables économiquement, se retrouvent dans une situation de vulnérabilité exacerbée par les effets des crises financières, sanitaires et politiques.
Quelques témoignages recueillis confirment le bien-fondé de l’initiative. Le porte-parole de la Police, Paul Manga, satisfait de cette initiative qui permet de rapprocher les journalistes des Fds dans l’exercice de leur métier réciproque souhaite “tout ce qui a été dit et recommandé puisse atteindre le dernier soldat ou policier, ainsi que le journaliste dans sa rédaction”. Jean Philippe Odinakachi, le chargé de communication à l’Antenne Unesco-Tchad, qui a appuyé l’Ujt dans l’organisation de cette rencontre se réjouit de l’initiative. “Au départ, l’idée n’a pas paru évidente de réunir les responsables des Fds avec les journalistes. Mais au vu des résultats actuels, une base de collaboration est jetée et nous ferons en sorte qu’elle se perpétue, pour aller vers une collaboration bénéfique au service de la population”.
Laoro Gondjé, le rapporteur de la Haute autorité des media et de l’audiovisuel (Hama), qui a clos l’atelier n’a pas non plus caché son émotion. “A l’issue de cette rencontre qui occasionne enfin le brassage entre ceux qui hier encore se côtoyaient difficilement, se parlaient à peine, j’ose croire que désormais tout ira pour le meilleur du monde. Nous vous invitons à mettre en pratique, ce que le présent atelier vient de vous proposer et de créer, si possible, créer une plateforme pour davantage échanger entre vous afin de jeter les jalons d’un partenariat nouveau, dynamique et pérenne. La présence des officiers de haut rang qui participent aux débats, rassure que désormais dialoguer avec le monde de la presse nationale ne sera plus un sujet tabou. Notre jeune démocratie en sortira renforcée en vue de la promotion de toutes ses valeurs. Faites vôtres, toutes les recommandations que vous avez vous-mêmes formulées, et traduisez-les en actes, (…) Je ne vous apprends rien, vous savez tous que la collaboration entre les Fds et les journalistes n’est pas toujours aisée sur le terrain. Il fallait bien qu’un jour, ces deux acteurs dialoguent, travaillent sur le terrain en parfaite intelligence sans que l’une des parties n’entrave le travail de l’autre (…)”, a rappelé le rapporteur de la Hama. Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à reconnaître que la presse tchadienne est à l’avant-garde de la lutte pour l’amélioration des conditions de vie des populations, de l’avancée du processus démocratique et de la bonne gouvernance. Il n’y a pas de démocratie sans une presse libre, respectueuse de l’éthique et de la déontologie, a conclu le rapporteur.
Les recommandations de la rencontre
Au gouvernement : faciliter la mise en place d’une plateforme d’échanges d’informations entre la presse, les magistrats et les Fds ; renforcer les capacités des Fds au respect des normes internationales sur la protection des journalistes ; ratifier la Convention de la Fédération internationale des journalistes (Fij) sur la sécurité et l’indépendance des journalistes adoptée par le Conseil de sécurité des Nations-unies.
Aux Forces de défense et de sécurité : améliorer la collaboration avec les professionnels des médias ; faciliter l’accès à l’information aux professionnels des médias ; vulgariser le Code d’éthique et de la déontologie des Fds.
Aux journalistes : d’entretenir des relations de confiance avec les Fds ; d’éviter de rendre compte de manière partiale des évènements impliquant les Fds ; et de respecter les consignes de sécurité édictées par les Fds, lors des manifestations et autres activités impliquant les Fds.
Roy Moussa