Reconnait le président de l’Union des journalistes Tchadiens (Ujt) Abbas Mahamoud Tahir, lors d’un entretien accordé à N’Djaména Hebdo.
Monsieur le président, comment commémorer la Journée internationale de la liberté de la presse pendant que nos confrères croupissent en prison ?
Je dirais que le verre n’est pas plein mais n’est pas aussi vide. C’est vrai, nous avons nos collègues qui sont en prison et c’est désolant de fêter le 3 mai. C’est pourquoi dès leur arrestation, nous avons exigé leur libération puisque quand nous avons écouté la qualification du procureur de la République qui parle de “l’intelligence avec l’ennemi, complot et atteinte à la sécurité de l’Etat”, nous avons dit que l’affaire n’a pas été bien qualifiée puisque si ce sont des articles publiés à travers la presse, c’est un délit de presse et le délit de presse est traité par la loi 31 et les délits de presse sont dépénalisés depuis 2010. Ce sont alors des amendes ou la suspension de parution qui sont de mise mais l’emprisonnement est banni de la loi. Nous avons suivi l’affaire depuis leur arrestation, leur audition par le Procureur de la République, et quand le juge d’instruction a décidé d’émettre un mandat de dépôt, nous avons rencontré le ministre de la Justice et toutes les autorités afin d’obtenir leur libération. Mais jusqu’à la, ils sont toujours en détention et nous suivons l’affaire à travers leurs avocats. Notre souhait le plus ardent, c’est leur libération puisque le dossier pour nous, en tant qu’organisation faîtière, est vide du moment où les accusés principaux ne sont pas là. Il n’y aura pas une confrontation, donc il ne reste que leur jugement et libération. C’est ce que nous exigeons et leur détention prolongée nous inquiète.
Aujourd’hui, les journalistes de la presse privée éprouvent beaucoup de difficultés à accéder aux sources d’informations d’intérêt public. Quelle lecture en faites-vous ?
Il est évident que c’est difficile aujourd’hui pour les journalistes, surtout ceux du secteur privé d’avoir accès aux sources officielles d’information et c’est une réalité. C’est pourquoi dans toutes nos rencontres, nous avons toujours exigé la facilité de l’accès à l’information, surtout officielle. Au-delà de cette exigence, nous avons proposé une loi à l’Assemblée nationale sur la sécurité et la protection des journalistes et aussi sur l’accès à l’information puisque cela est un droit. Lors d’une rencontre avec l’ancien Premier ministre, Saleh Kebzabo, durant la transition, nous avons parlé de l’accès à l’information et avons dit que certains journalistes tchadiens, par faute d’avoir accès aux sources fiables, crédibles, se fient à la désinformation, aux rumeurs, etc. et cela les exposent aux dispositions de la loi. Ils ont intérêt d’ouvrir les portes à la presse puisque tant que la presse n’a pas accès aux sources fiables d’information, nous ne pouvons pas parler de la liberté de la presse. Nous ne pouvons parler du rôle important que joue la presse dans une démocratie. Si vous remarquez bien aujourd’hui, il est difficile au journaliste tchadien de mener des enquêtes. Les journalistes d’investigation n’existent quasiment pas, parce qu’il leur est difficile de mener une enquête et avoir accès aux informations officielles. C’est pourquoi, nous avons tous, journalistes, population, société civile, intérêt à permettre à la presse d’avoir accès aux sources d’informations. C’est une responsabilité, surtout du gouvernement, qui doit orienter et instruire les responsables de s’ouvrir à la presse, d’avoir un contact permanent à la presse. Si nous voulons de vraies informations, il faut que la presse ait accès aux sources officielles d’informations.
Il se constate une discrimination dans la sélection des médias à couvrir les grandes cérémonies. Qu’est-ce qui explique cela ?
Il y a des aspects organisationnels, mais d’une manière générale, normalement, on doit permettre à la presse d’avoir accès à l’information. La presse doit être traitée de la même manière avec équité. On ne peut pas discriminer la presse à cause de la différence des lignes éditoriales. Nous ne pouvons pas faire une discrimination entre les médias tchadiens, si les moyens le permettent. En tant qu’organisation faîtière, notre exigence est de traiter les médias avec égalité et équité. Il y a un moment où la presse privée a eu un problème avec l’administration publique, l’Union des journalistes tchadiennes (Ujt) est intervenue pour le résoudre et désormais quand cette administration organise une activité, elle dépêche un représentant ici à la Maison des médias du Tchad pour donner à toute la presse des badges. Donc, c’est un travail quotidien et il faut sensibiliser les gens sur l’importance d’impliquer toute la presse. J’ai suivi la déclaration même du président de la République sur une chaîne de télévision, que le gouvernement va s’ouvrir davantage à la presse et nous souhaitons que cela se réalise pour que toute la presse ait un traitement équitable. Ce n’est pas normal de discriminer la presse, mais si les moyens ne le permettent pas, à l’impossible nul n’est tenu.
Propos recueillis par Modeh Boy Trésor