La grève de la bière

L’arrogance des brasseries

2020  a commencé par une mauvaise nouvelle pour les consommateurs de la bière. Depuis le 1er janvier, boire de la bière coûte plus cher. Les Brasseries du Tchad (Bdt) ont décidé d’augmenter les prix des bières. Ces augmentations font suite à la décision du gouvernement de ne plus leur accorder des exonérations fiscales. C’est la colère dans les rangs des distributeurs et vendeurs qui enchaînent les grèves.

Boisson alcoolisée la plus consommée, la bière brassée est devenue aujourd’hui un luxe pour beaucoup qui se rabattent sur les bières artisanales et les vins locaux, moins chers. Le week-end, beaucoup de N’Djaménois prennent d’assaut Kousséri; la ville frontalière du Cameroun a toujours été le paradis de la bière à bon marché.

Pendant de très longues années, les Bdt ont profité des largesses du gouvernement tchadien qui leur a accordé des exonérations. En contrepartie, elles n’ont donné rien d’important. Leurs seules œuvres sociales se résument en des dons de médicaments à l’hôpital Ordre de Malte, et de Cristal (leur eau minérale) à des orphelinats ou au Conseil supérieur des affaires islamiques pendant le ramadan, ou encore en des soutiens sporadiques à la fédération de basketball et à des artistes.

Suite à un arbitrage à Paris, les Bdt auraient accepté de payer 5 milliards de francs CFA à l’Etat tchadien au titre du manque à gagner de la convention d’établissement. Cela ne pourrait justifier une hausse des prix.

En mars 2019, au Cameroun voisin, quand les trois grands brasseurs avaient décidé d’augmenter les prix des bières et des sodas de 25 à 50 francs CFA, le ministre du Commerce avait rapidement réagi en suspendant ces mesures, dénonçant la précipitation avec laquelle ces brasseurs avaient agi, sans son approbation. Pour une hausse de 50 francs seulement, le gouvernement camerounais a donc sévi. Ici, les Bdt décident une hausse de 150 francs et le gouvernement ne réagit pas.

Grisées par leur position de monopole, les Bdt affichent une arrogance envers tout le monde: leurs clients à qui le Directeur général a fait retirer les véhicules au début de la grève des distributeurs; leurs distributeurs à qui elles ont facturé, selon la nouvelle tarifications, des commandes faites avant le 1er janvier 2020; les consommateurs qui engraissent une entreprise étrangère qui ne leur vend que de bières étrangères; le gouvernement, laxiste, incapable de réagir face une entreprise de la France coloniale à qui il a accordé tellement de largesses et qui dicte aujourd’hui ses lois.

Une hausse unilatérale des prix est inadmissible. Elle ne devrait intervenir qu’après concertation des associations de défense des consommateurs, des distributeurs des boissons et du ministère du Commerce. Aucun nouveau barème ne peut entrer en vigueur s’il n’a pas été préalablement approuvé par le ministre en charge des prix. C’est une formalité incontournable dans un pays qui se respecte et qui sait se faire respecter. Il est temps que ça change!             

  La Rédaction.