“La route ne tue pas, c’est nous qui nous tuons”

Les accidents de la voie publique dans nos villes et campagnes deviennent de plus en plus récurrents. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 9 000 morts et 12 000 blessés en 2022.

Des milliers de personnes perdent leur vie, suite aux accidents de la route chaque année. Le mal progresse, malgré les différentes réunions qu’organisent les autorités à différents niveaux. Les dernières en date sont celles initiées par le Premier ministre de transition (Pmt), Saleh Kebzabo avec les acteurs impliqués dans la sécurité routière, respectivement en décembre 2022, janvier 2023 et le mercredi 22 mars courant.

Après la réunion tenue avec le Pmt le 22 mars, le ministre de la Sécurité publique et de l’immigration, Mahamat Charfadine Margui et la ministre des Transports terrestres et de la sécurité routière, Fatimé Goukouni Weddeye ont animé une conférence de presse conjointe le jeudi 23 mars pour dérouler quelques conditions à remplir désormais par tous les usagers de la voie publique. C’est certainement en réponse aux instructions du Pmt qui a exigé à la veille de la conférence de presse lors de la réunion, des réponses urgentes afin de préserver la vie des usagers de la route. La communication des deux ministres semble dire qu’il n’y avait pas de règles régissant la circulation et la sécurité routière et que c’est le moment de les instaurer. En plus du fait que cette conférence de presse met à nu la gravité du laxisme de ces deux départements sensés veiller à la gestion de la prévention routière pour préserver la vie des personnes, les vraies causes des accidents ne sont pas identifiées et des sanctions non plus ne sont proposées. En revanche, Fatimé Goukouni Weddeye et Mahamat Charfadine Margui se sont contentés d’inviter le public à se munir de tous les documents exigibles pour se mettre en route notamment : le permis de conduire, la fiche technique et l’assurance. Pourtant, ces documents n’ont jamais été suspendus. Sont-ils conscients que rien de nouveau n’est observé à travers une telle communication.

De janvier à nos jours, plusieurs cas d’accidents mortels ont eu lieu. A titre d’exemple, le 20 mars dernier, un accident s’est produit à Bologo une localité située à 30 km de Kélo causant 2 morts et seize blessés ; le 12 du même mois, un gros porteur en provenance de Kélo pour Moundou perd le contrôle de la route. L’accident cause 7 morts et 3 blessés à Koutou. Le 27 janvier 2023, 18 personnes dont 6 femmes passent de vie à trépas et 9 blessées dans un accident survenu la nuit du 26 janvier à Oum-Hadjer. La liste est loin d’être exhaustive.

 

Les causes

La conduite sous l’emprise de l’alcool ou des stupéfiants, l’excès de vitesse, l’usage du téléphone au volant, la fatigue, la conduite sans permis sont les principales causes des accidents de la voie publique. Cependant, la pratique de la règlementation dans des pays qui accordent une importance à la vie humaine est très stricte. Par contre, au Tchad, on peut voyager sans soucis dans un bus qui a à son bord 70 passagers et quelque fois au-delà en sus des bagages qui dépassent le poids règlementaire et assister impuissant à observer un chauffeur qui s’accroche à son téléphone du départ à l’arrivée dans un excès total de vitesse. Ni les passagers du bus, ni les policiers et gendarmes routiers ne sont inquiétés. Ils sont nombreux ces chauffeurs, pour ne pas dire tous, qui n’ont pratiquement pas le temps de se reposer et font de longues distances. Un même chauffeur peut faire en deux jours successives N’Djaména-Sarh ou N’Djaména-Abéché. Et d’autres, pour se maintenir éveiller conduisent le plus souvent sous l’emprise des stupéfiants.

L’autre fait regrettable est le non contrôle technique des bus ou des engins avant les départs conformément aux textes règlementant les transports en commun. La plupart des causes des accidents sont imputées à la divagation des animaux sur la route, etc. Les pannes techniques ne sont jamais évaluées par une quelconque expertise or, elles en sont pour beaucoup dans les accidents de circulation. Dans ce cas de figure, les entrepreneurs, propriétaires des compagnies de voyage et les assureurs sont de connivence. rien de clair ne filtre des enquêtes diligentées pour faire la lumière.

En ce qui concerne les conducteurs des voitures et camions ou même les motocyclistes en milieu urbain ou interurbain, le constat est aussi écœurant. Beaucoup de conducteurs n’ont pas de permis de conduite ou se les font délivrer par divers manèges. Ces derniers n’ont aucune notion du code de la route et du code de conduite. Conséquences, les accidents sont légion ; ils endeuillent à chaque heure des familles.

 

Qu’a-t-on fait pour prévenir les accidents ?

Rien ! Les autorités chargées de la sécurité routière ne se rappellent de leur mission que lorsqu’un accident se produit. Et là encore, c’est quand les pertes humaines et matérielles sont énormes. Tenez !  Qui des chauffeurs ayant causé un accident a été soumis à un test d’alcoolémie ou de dopage ? Qui des fautifs ayant causé un accident parce que ne détenant pas un permis de conduire a été condamné ? Qui des coupables ayant causé un accident suite à un excès de vitesse a été condamné ? Personne ! A la rigueur, ce sont quelques heures ou jours en garde à vue pour les cas les plus graves. Tant que la dia sera appliquée comme loi, la banalité avec laquelle la justice et les chefs coutumiers gèrent les cas d’accidents demeurera. bien grave, certains compatriotes trouvent en leur capacité de payer la dia, une victoire.

Les accidents de circulation sont devenus des faits banals. Ils s’inculquent dans les habitudes et “Allah djaba” pour dire que c’est Dieu qui a permis. Vivement que les autorités en charge du secteur des transports terrestres et ceux de la sécurité trouvent de vraies solutions à ces accidents endémiques de la route. A l’exemple du Cameroun voisin, pour les longs trajets, les bus transportant plus de 50 personnes, ont l’exigence d’avoir deux chauffeurs à bord.  Pour se relayer en cas de fatigue.

Minnamou Djobsou Ezéchiel