La solde ou le nid des mafieux

Comme dans un passé récent avec les énarques, médecins et magistrats, le service de la solde continue dans sa pratique mafiosique de grappiller des pourcentages sur les arriérés de  salaire des jeunes fonctionnaires d’Etat.

C’est un combat sans fin que mènent plus de 1 400 enseignants scientifiques recrutés en 2019. L’on se souvient que ceux-là ont dû travailler pendant plusieurs mois, 5, 6 voire 9 mois pour certains, sans salaire. Il leur a fallu d’âpres luttes pour goûter à leur modeste salaire d’enseignants contractuels. Alors qu’ils se battaient pour leur arriéré de salaires et qu’ils ont cru voir le bout du tunnel, le défunt chef de l’Etat, Idriss Déby Itno a promis intégrer 20 000 jeunes à la Fonction publique en 2020, bien qu’ils soient déjà partenaires de l’Etat. Le compte avait pourtant bien commencé jusqu’à ce que le président Idriss Déby Itno décide de suspendre le processus d’intégration à la Fonction publique, dénonçant le clientélisme qui s’est créé tout autour. De cette interruption, plus de 300 enseignants contractuels scientifiques n’ont pas pu intégrer  la Fonction publique et attendent impatiemment la reprise du processus.

Entretemps, les plus chanceux ont été intégrés mais beaucoup ne le sont pas encore. Depuis leur prise de service en fin 2020, ceux-ci continuent à percevoir leurs émoluments d’antan (salaire de contractuels scientifiques). Leur défaut, c’est d’être réticents à l’idée de “mouiller la barde” de certains agents de la solde qui s’occupent du traitement d’indice. “Il y a deux réseaux que les collègues ont identifiés. L’un demande 20 000 et l’autre 30 000 francs à verser le 5 ou le 15 du mois. En tout cas, avant que les états de paie ne soient faits. Il y a beaucoup de collègues qui sont passés par ces réseaux et cela a abouti”, renseigne un des contractuels scientifiques. Mais ce dernier dit refuser de procéder par la corruption pour rentrer dans ses droits basiques, son propre salaire. Il s’inquiète aussi du fait que les services de la solde renseigneraient qu’il n’y aura pas de rappel de salaire après le changement d’indice. Cependant, une source au ministère de Finances et du budget indique qu’il n’y a pas d’arrêté ministériel interdisant le rappel des salaires. “S’il n’y a pas de rappel, c’est un problème du service de la solde, c’est tout”, assure-t-il.

Même casse-tête quand ils veulent avoir leurs arriérés de salaires quand ils étaient des enseignants contractuels. Pour entrer en possession de leurs arriérés, il faut céder au minimum un mois de salaire, informent-ils.

Comme ce fut le cas subi dans un passé récent par des énarques, médecins et magistrats, cette pratique qui s’appellerait “baptême” des jeunes fonctionnaires d’Etat se poursuit de plus belle.

Le secrétaire général national du Syndicat des enseignants du Tchad (Set), Mbaïriss Ngartoïdé Blaise regrette que la corruption soit érigée en règle dans l’administration publique tchadienne. “La corruption, ce n’est pas nouveau ! Nous sommes ancrés dans la corruption depuis 30 ans. C’est devant cette sollicitation que ceux qui se disent enseignants doivent résister. Ils ne doivent rien donner, pas un rond !”, enjoint-il. Le Sg du Set relève que “le minimum de respect du droit des travailleurs, n’est pas respecté. On se trouve devant des défis syndicaux. Nous n’allons laisser aucun droit être négligé par le pouvoir”.

Un bémol tout de même. “Dans des cas pareils, ce sont des correspondances au ministre et à la solde. Mais aujourd’hui, c’est autant des écrits à la solde pour telles ou telles autres situations qui n’ont jamais été réglées. Et les enseignants sont sur les nerfs. Nous sommes dans un pays où vous êtes absolument obligés d’aller en grève avant qu’on ne vous appelle pour demander pourquoi vous allez en grève. Je crois que c’est ce que les autorités attendent”, menace le Sg du Set. Aux enseignants contractuels scientifiques reversés à la Fonction publique, Mbaïriss Ngartoidé Blaise promet : “Nous allons les défendre quand nous aurons un gouvernement en face. Nous connaissons où les dossiers sont entassés, où il y a blocus. Pour le moment, nous n’avons pas un gouvernement en face”. Peut-être que le bout du tunnel est pour bientôt étant donné qu’il y a déjà un gouvernement installé.

Lanka Daba Armel