L’alcoolisme chez la femme enceinte

Voilà un sujet pris à bras le corps par dame Djikoloum Késias Garba, écrivaine et auteure, à travers un ouvrage de 61 pages, titré “Syndrome d’alcoolisme fœtal, une menace pour les femmes en Afrique subsaharienne”.

Mme Djikoloum Késias Garba a mis sur la place publique un fait de société très grave, qui passe le plus souvent inaperçu et pourtant constitue un problème de santé publique aux conséquences désastreuses sur l’enfant à naître. En témoigne Dr Grâce Kodindo, médecin gynécologue obstétricienne : “Cet ouvrage relève du domaine de la santé publique, parce que l’alcoolisme chez la femme enceinte a des conséquences très graves sur le fœtus, surtout sur le cerveau de l’enfant. Expliquez cela à vos épouses et autour de vous”, alerte-t-elle. C’est un livre de poche qui s’ouvre sur une dédicace et un résumé. L’auteure s’est appesantie dans la première partie sur la problématique de l’alcool et la grossesse, à travers la découverte du “Syndrome d’alcool fœtal”, en abrégé Saf, sa prévalence à travers le monde, la physiopathologie de l’alcool chez la gestante, les facteurs de risques et le diagnostic du Saf.

Dans la deuxième partie, Mme Djikoloum Késias Garba décrit le Saf au Tchad, suivant les sites où elle a réalisé des enquêtes, le profil sociodémographique des mères vectrices du Saf, le taux de prévalence, le résultat issu du questionnaire administré au personnel de santé, les déterminants de la consommation d’alcool pour les mères pendant la grossesse.

La troisième partie est consacrée à comment lutter contre le Saf au Tchad, surtout en milieu féminin.

Les recommandations et plusieurs références bibliographiques ferment le livre.

L’initiative d’écrire ce livre, selon Mme Djikoloum Késias Garba, est née d’un constat amer. “La consommation d’alcool chez la femme enceinte prend des proportions inquiétantes. Le but de cette publication qui est le fruit d’un travail de recherche dans les hôpitaux de la place, c’est de conscientiser les femmes qui, à 100%, n’ont pas entendu parler du Syndrome d’alcoolisme fœtal”. L’enfant, dit-elle, subit l’alcoolisation de sa mère à travers ce syndrome cité ci-haut. Le corps du bébé qui a subi l’alcoolisation de sa mère est imbibé d’alcool et à sa naissance, il devient handicapé à vie. Elle ajoute que dans les temps anciens au Tchad et dans certaines communautés, seules les femmes âgées sont autorisées à consommer discrètement de l’alcool, mais de façon modérée. Aujourd’hui, les femmes s’affichent publiquement pour consommer l’alcool et ne tiennent pas compte des conséquences qui peuvent advenir, surtout quand il s’agit d’une femme enceinte, constate-t-elle amère. Selon quelques données de l’Oms en 2011 compulsées, relève-t-elle, 19% de femmes de plus de 15 ans consomment l’alcool contre 23% d’hommes. Une autre étude faite par la Croix bleue tchadienne sur l’alcool et la sécurité alimentaire, révèle qu’en milieu rural, un consommateur d’alcool sur trois est une femme. Des indicateurs qui inquiètent et alertent.

Un axe de travail nouveau mis à jour et recommandé

“Cet ouvrage est un travail pionnier que nous avons fait. On ne peut pas se taire et il faut en parler parce qu’au moment de l’enquête, nous nous sommes aperçus que les infirmiers et les sages-femmes à 100% l’ignoraient. II appartient aux départements ministériels transversaux de s’en approprier aux fins de sa vulgarisation”, conseille dame Késias. Puisqu’il est reconnu et confirmé par de nombreuses études, que le Saf entraîne un handicap permanent et irréversible chez un individu, qu’il soit enfant ou adulte, alors compte tenu du caractère sérieux de cette pathologie, elle recommande  au ministère de la Santé publique, “d’organiser des campagnes de sensibilisation de masse, à travers les médias sur toute l’étendue du territoire national ; promouvoir la recherche sur le Saf en matière de politique d’alcool au Tchad ; créer des services de prises en charges des femmes et des enfants victimes de la consommation d’alcool au Tchad ; promulguer une loi interdisant la consommation de l’alcool pendant la grossesse ; apporter un appui technique et matériel aux associations de lutte contre l’alcoolisme au Tchad ; allouer des moyens conséquents pour de telles recherches ; introduire le module alcoologie dans les écoles de formations socio-sanitaires ; créer un centre d’action médico-social pour enfant Saf ; former le personnel qualifié pour le dépistage systématique et la prise en charge adéquate des enfants souffrant du Saf (dysmorphologistes, orthophonistes, psychothérapeutes, psychopédagogues, kinésithérapeutes).

Aux hôpitaux : “sensibiliser les femmes sur les conséquences liées à la consommation d’alcool pendant la grossesse au cours des visites prénatales ; renforcer la consultation prénatale renforcée (Cpnr) ; et former les femmes pour un counseling spécialisé auprès des femmes enceintes”.

Au ministère de l’éducation nationale : “d’intégrer l’alcoolisme des mères dans le programme d’éducation à la vie familiale et l’enseigner dans les établissements scolaires à toutes les filles en âge de procréer”.

Roy Moussa