10 mois après la formation de son gouvernement le 2 mai 2021, le Conseil militaire de transition vient de procéder à son premier remaniement le 25 février 2022 qui ressemble à un partage de gâteau aux clients, clans et proches du pouvoir.
L’ombre du Mouvement patriotique du salut continue de planer, alors qu’on pensait qu’à l’approche de la tenue du Dialogue national inclusif et souverain (Dnis), on allait avoir un gouvernement de large ouverture. Que nenni !
“C’est le gouvernement de la transition, mais à première vue, tout tourne autour des mêmes personnes. Quand ce sont de nouvelles têtes qui entrent, beaucoup le sont par clientélisme”, apprécie à sa manière un fin observateur de la scène politique tchadienne. Depuis sa formation décriée pour n’avoir pas reflété l’inclusivité qu’on chante à tout bout de champ, le gouvernement de transition vient de faire un toilettage très clientéliste en dehors de quelques retours sérieux dans le gouvernement. Même si le Premier ministre Pahimi Padacké Albert est toujours en place (les coulisses s’agitent en faveur de son départ de la primature), beaucoup de tchadiens estiment que les membres de son nouveau gouvernement devraient subir un sérieux toilettage pour conduire à bien la transition à son terme. Le remaniement en question est une légère couche de vernis qui voile mal des intentions inavouées à relents de continuité du régime qui a régné plus de trois décennies.
Des gros poissons ont quitté le navire du 25 février. Abdoulaye Sabre Fadoul et Issa Doubragne, respectivement ministres de la Santé publique et de la solidarité nationale ; de l’Economie et de la planification du développement. Ils sont en poste depuis le 14 juillet 2020.
Abdoulaye Sabre Fadoul disait être envoyé en mission de réforme au département de la Santé publique. Parce que des pratiques malsaines y incubaient au détriment de la santé de la population. Connu pour ses mesures austères, l’ancien ministre de la Santé publique avait engagé des réformes dans plusieurs départements ministériels. Mais à la Santé publique, il a avoué qu’il s’était confronté à une grande mafia. Il avait rencontré des résistances et des lobbies qui ont englouti des ressources colossales, non injectées effectivement dans le fonctionnement du ministère de la santé. Son diagnostic avait révélé qu’il y a grand décalage entre les ressources disposées pour le bon fonctionnement du ministère et les réalisations faites, a-t-il déclaré au cours d’une interview accordée à N’Djaména Hebdo. En accomplissant ses missions, Sabre Fadoul n’a pas non plus échappé aux critiques, parfois objectives et subjectives. Certains médecins et cadres du ministère lui reprochaient le clientélisme et le népotisme qu’il entretenait. Entre autres, avancent-ils, Sabre a sabré le ministère en y créant 85 directions générales. Pour un seul département, c’en est de trop. Qu’à cela ne tienne, en 2020, la Solidarité nationale a été rattachée à la Santé publique. En pleine crise de Covid-19, feu Idriss Déby Itno n’avait pas vu une autre personne de confiance à qui confier la gestion du fonds Covid.
Hamid Koua, l’ancien ministre du Pétrole sous Déby père, a été nommé secrétaire général du gouvernement (Sgg) de la transition. C’est à lui que revient le strapontin du Dr Issa Doubragne à la tête du département de l’Economie et de la planification du développement. Son ancien poste (Sgg) revient à Haliki Choua. L’on note le retour surprenant de Djérassem Le Bémadjiel qui, du ministère du Pétrole a d’abord été éjecté pour se retrouver plus tard en prison. Son retour est-il une manière pour les tenants actuels du pouvoir de lui présenter leurs excuses pour l’avoir accusé de malversations et de détournements des deniers publics, parce considéré comme proche du parti Les Transformateurs ? Serait-il le représentant des Transformateurs dans le 2ème gouvernement de transition comme c’est le cas d’autres formations politiques ? L’autre raison la plus plausible du retour aux affaires de Djérassem est qu’il est aussi un ingénieur très compétent dans le domaine du pétrole et de l’hydraulique. De ce côté, il a fait ses preuves partout en plus d’avoir redressé déjà une fois le département du pétrole. Son retour peut s’expliquer par un nouveau redressement de ce département qui bat de l’aile depuis un certain temps à cause des manœuvres qui s’y effectuent au point que les conseillers de la transition s’en ont saisi pour interpeller l’ancien ministre et déplorer la conduite des affaires.
Un départ patent que personne ne redoutait était celui du jeune fils à papa, ministre de la Jeunesse et des sports. A ses débuts, Routouang Ndonga Christian avait commencé par intéresser le public quand il était nommé ministre. Mais depuis quelques temps, la toile bleue s’est élevée contre sa gestion. Son département est taxé d’être un ministère de copains et coquins, parce que le jeune ministre s’est entouré de ceux-là et s’illustre dans des méthodes puériles. En plus, il a eu maille à partir avec les responsables des institutions sous sa tutelle à l’exemple du Conseil national de la jeunesse, ou encore avec le personnel de l’Institut national de la jeunesse actuellement en grève de protestation contre les nominations fantaisistes. Mais le plus navrant est de voir le prestigieux poste de ministre de la Jeunesse et des sports en train d’être banalisé dans notre pays. Le remplaçant de Ndonga Christian est un fervent laudateur du régime de feu Idriss Déby Itno. Mahamoud Ali Seid, c’est son nom. Il a été ancien directeur des affaires administratives et financières de la présidence sous Déby père. Depuis quelques deux ans, il s’est évertué à mobiliser les jeunes à soutenir l’insoutenable. Son rôle de “Perroquet national” a amené feu Déby à faire de lui le 23 mars 2020 contrôleur général de police. En remplaçant Christian, sa mission sera sans doute d’amener les jeunes qui s’embourbent dans la facilité ces derniers temps en sabotant leur dignité, à faire les éloges des tenants du pouvoir, même quand ils agissent mal. Le président du Conseil militaire de transition n’a-t-il pas déclaré 2022, année des sports ? Mais au lieu de confier le département des sports aux mains expertes, paradoxalement, le critère de choix ne convient pas exactement. On a préféré choisir un proche.
Comme toujours, le ministère de la Sécurité publique est une chasse gardée du clan au pouvoir et ses proches. Tout donne l’impression que c’est la sécurité du pouvoir tenu d’une main de fer et non celle de la population. Les responsabilités à ce poste sont toujours attribuées aux proches comme si aucun autre fonctionnaire de ce ministère ne peut les assumer. Et le cumul des fonctions, y en a marre. Le général Idriss Dokony Adiker à qui le département de la sécurité vient d’être confié est membre de la commission qui s’occupe du pré-dialogue avec les politico-militaires et vient d’être élu président du Comité olympique sportif tchadien (Cost).
Attend-on cet hypothétique Dialogue national inclusif et souverain pour former un gouvernement plus représentatif de toutes les forces vives?
Nadjidoumdé D. Florent.