Le karaté tchadien peut mieux faire si…

Me Tchang Wei Tchang, le président de la Fédération tchadienne de karaté et disciplines assimilées (Ftkda), est satisfait de l’organisation de la 12ème édition du championnat  de karaté juniors et seniors de l’Ufak, de la région Afrique du centre, tenu à N’Djaména du 29 au 31 octobre 2021. Il estime que le karaté tchadien peut mieux faire, si les conditions sont réunies.

  Quel bilan faites-vous de la tenue de ce championnat ?

D’une manière générale, sur le plan organisationnel, cela a été un grand succès pour le Tchad. L’organisation a été bien faite. Le Tchad devait abriter ce championnat l’année dernière en avril, mais l’avènement de la pandémie de la Covid-19 en mars 2020 avait tout bouleversé. Le Tchad, à travers son ministre en charge des Sports, Christian Routouang, avait écrit à la Fédération mondiale de karaté et la Confédération internationale de karaté, pour signifier l’intention du pays d’abriter à nouveau ce championnat. Lorsque nous étions allés inspecter le stade de Diguel qui devrait abriter les compétitions, nous avions été un peu inquiets. Il n’y avait ni eau, ni électricité, ni climatisation. Une fois informé le ministre de notre intention d’organiser le championnat sur ce site, il a tout de suite instruit ses services et l’Onajes, qui ont réalisé un travail titanesque en une semaine. Le site était prêt quand les inspecteurs de la Fédération mondiale et de l’Union africaine des fédérations de karaté étaient arrivés à N’Djaména pour visiter le site. Ils étaient satisfaits. Donc, tout était fin prêt pour abriter les évènements.

A l’issue de leur visite, j’ai reçu un courrier de la Fédération africaine de karaté, remerciant le Tchad pour sa disponibilité organisationnelle à tous les niveaux. Pour ces officiels qui sont venus au Tchad, c’est la première fois qu’ils ont reçu un tel accueil dans un pays organisateur. Ils ont avoué que l’image du Tchad à l’extérieur est celle de la guerre, mais ont été agréablement surpris par un peuple hospitalier et accueillant. Ils ont promis et projettent que la prochaine édition du championnat africain de karaté  se tienne au Tchad.

  Quelles ont été les faiblesses constatées ?

Nous avons relevé des insuffisances au niveau technique et de l’arbitrage. Nous avons parlé de cela avec la commission technique et les arbitres. Honnêtement, le Tchad devrait gagner plus de médailles que ce qui a été récolté. En tant que pays hôte, nous sommes restés fairplay et positifs, parce que la salle était pleine à craquer, et il fallait éviter des contestations qui pouvaient soulever la foule.

  Comment avez-vous apprécié le niveau de la compétition ?

Pour être honnête le niveau de la compétition était très élevé. Il ne faut pas se voiler la face. Le Cameroun, le Congo et le Gabon sont des pays très bien lotis en termes d’infrastructures, de formation des cadres d’arbitrage et technique. Ici au Tchad, c’est très rare qu’on envoie des cadres techniques et d’arbitrage en formation, moins encore les athlètes. Ce que les autres le font aisément. Imaginez que le Congo est venu avec 47 athlètes et le Cameroun 42 athlètes. Les autres pays participants sont la Rca, le Gabon. La Rd-Congo a eu des problèmes de visa à l’ambassade du Tchad à Kinshasa et n’a pas pu voyager. Le classement de manière générale donne la première place au Cameroun (12 médailles d’or, 4 argent et 6 bronze), suivi du Congo (6 médailles d’or, 8 argent et 4 bronze), le Tchad (5 médailles d’or, dont 4 en individuel et une en équipe, 12 argent et 8 bronze), le Gabon (0 médaille) et la Rca (0 médaille).

  Quelles sont les leçons à tirer de ce championnat ?

Les leçons à tirer sont multiples. La première est que dorénavant il faut préparer de tel championnat en amont et non attendre à deux ou trois mois avant de se préparer. Quand on parle de la préparation, on parle des moyens. Parce que si nous n’avons pas des moyens, nous ne pouvons pas préparer un tel championnat de manière efficace et efficiente. Il faut nécessairement mettre des moyens conséquents pour préparer une équipe nationale. Quand nous avons côtoyé les autres pays, nous nous sommes rendus compte, que leurs athlètes ont passé trois à quatre mois de mise au vert, avant d’arriver au Tchad. Ce qui fait qu’ils ont de la compétition dans les jambes. Mais quand on attend un mois ou deux à trois semaines avant d’interner les athlètes, la préparation n’est pas commensurable. C’est pour cela que nous n’obtenons pas au Tchad, le plus souvent, des résultats. Nous devons préparer conséquemment nos athlètes en amont.

  Quel est le niveau de nos filles ?

Nos filles ont été vice-championnes d’Afrique en 2012. Aujourd’hui, elles ont confirmé leur suprématie en kata (démonstration en équipe ou individuelle) en gagnant la médaille d’or. Mais il faut reconnaître qu’elles sont éparpillées pour des raisons d’études, dans les différentes universités et facultés. Nous avons fait de notre mieux pour les regrouper, et nous avons abattu un travail de deux semaines pour arriver à ces résultats. Comme elles ont l’habitude de travailler ensemble, la synchronisation y est déjà et nous avons juste travaillé à faire revenir le déclic.

  Un dernier mot…

Exhorter la jeunesse tchadienne à embrasser le sport, au lieu de fréquenter massivement les débits de boisson, ou être dans le vagabondage en tous genres. Cette énergie qu’elle dépense peut être utilement mise à la disposition du sport, parce que le sport est le seul métier où on n’a pas besoin d’aller à l’école pour s’en sortir. Il suffit d’être bien préparé. Un autre cri d’alarme à l’endroit de nos dirigeants, c’est d’investir dans les infrastructures sportives. Parce que sans les infrastructures adéquates, nous ne pourrions rien faire. S’il y a une volonté politique et des infrastructures, ce qui va de pair d’ailleurs, ces jeunes pourront être attirés vers la pratique des sports. On pourrait avoir des grands champions, parce que les tchadiens ont des dispositions morphologiques naturelles, qui peuvent faire d’eux des grands champions. Il suffit qu’on travaille dans des conditions requises et adéquates. C’est notre plaidoyer envers nos décideurs et autorités publiques. Il faut changer de paradigme et commencer par investir dans les infrastructures sportives. Autour des activités sportives, des entreprises se créent et peuvent contribuer à diversifier l’économie du pays. Ailleurs, tout le monde n’est pas à la botte du système gouvernemental, ou dès que l’on ferme le robinet, tout le monde se retrouve à genou. Le sport peut générer des activités économiques indépendantes de l’Etat et tirer le pays vers le haut.

Interview réalisée par Roy Moussa