Le ministre de l’administration du territoire a-t-il le droit?

Pour avoir demandé le retrait de la candidature du feu président Idriss Déby Itno pour un 6ème mandat, trois des pasteurs, membres de la plateforme des serviteurs de Dieu pour la justice et le droit ont été suspendus de leur fonction par arrêté ministériel.

Pendant que les tchadiens aspirent à la paix et croient au changement, le ministre de l’Administration du territoire attise le feu avec une décision qui ne fait pas l’unanimité. Par arrêté N°077/PCMT/PMT/MATD/DGM/ 2021 signé le 5 mai 2021, les pasteurs Kelepette Dono, Koutou Marabeye Pierre et Targoto Josias ont été suspendus de leurs activités religieuses sur l’étendue du territoire. Pour motif, le ministre de l’Administration juge qu’ils ont exercé des activités contraires à leur vocation apolitique en demandant le retrait de la candidature du feu Déby du scrutin d’avril dernier.

C’est dans un moment très difficile pour le Tchad, où tout le monde insiste sur la tenue d’un dialogue inclusif devant faire assoir un nouveau système de gouvernance fédérateur après la brute disparition du président Déby, que le gouvernement du Cmt continue et persiste avec les pratiques de l’ancien régime. Déby, de son vivant n’a suspendu aucun pasteur d’exercer sa vocation pour ses opinions politiques. De l’analyse de bon nombre de citoyens depuis la publication de ce fameux arrêté le 5 mai suspendant les trois serviteurs, c’est du deux poids, deux mesures car, il n’est pas concevable d’admettre que lorsque les leaders religieux sont du côté du pouvoir, ils ne sont pas apolitiques et quand ils sont du côté du peuple ou de l’opposition, ils sont apolitiques et ont un devoir de réserve sur des questions politiques.

Tout porte à croire que c’est un acte délibéré pourtant démesuré et injuste car s’en prendre à un serviteur qui est d’abord un citoyen ne présage rien de bon pour la paix, la quiétude et la justice auxquelles tout le monde aspire. Il serait judicieux que le ministre de l’Administration essaye de se rappeler un tant soit peu, ce qui s’est passé pendant la campagne électorale du Mps pour le scrutin d’avril dernier. A cette campagne électorale, imams et pasteurs confondus au reste de la foule sont sortis pour battre campagne au profit du candidat du consensus. Ils ont exprimé leur opinion politique en battant campagne mais n’ont pas été sanctionné pour autant. En revanche, les trois serviteurs suspendus ont fait pareillement mais seulement qu’ils ont choisi le camp adverse.

« Nous avons été convoqués par les autorités du ministère de l’Administration du territoire le 8 mars 2021, soit deux jours après notre déclaration pour nous signifier que nous avons outrepassé notre champ d’action et que notre déclaration est incendiaire » informe Kelepette Dono, porte-parole de la plateforme des serviteurs de Dieu pour la justice et le droit, l’un des trois pasteurs suspendus. Pour lui, comme beaucoup des tchadiens, leur plateforme n’a pour membres que des pasteurs soucieux du bien-être de la population et épris de justice, qui n’ont fait que sonner la trompette et dénoncer l’injustice sous toutes ses formes pendant qu’il était temps. Le but de cette plateforme n’est pas de plaire à un groupe de personnes mais de dire la vérité. “Nous assumons toute notre responsabilité et continuerons à œuvrer pour la justice et le droit pour le bien-être de la nation tout en accomplissant tout service lié à notre vocation pastorale car, c’est Dieu qui nous a appelés pour le servir”, a-t-il déclaré.

Etant donné que la Plateforme des serviteurs n’est ni sous la houlette de l’Alliance des églises pentecôtistes (Aept) ni sous l’entente des Eglises et missions évangéliques au Tchad (Eemet) et vu aussi que, selon le ministère, ladite plateforme ne figure pas sur le fichier des associations en exercice au Tchad, qui sera responsable de l’application de cette décision qui semble n’avoir pas été bien calculée. Ils sont suspendus certes mais l’application de cet arrêté reste floue du moment où les autorités n’ont pas la possibilité d’empêcher lesdits serviteurs de vaquer aux services dans leurs églises locales.

Suspendre les pasteurs, mais pourquoi pas les bureaux de soutien, les plateformes et partis politiques qui ont fait appel à la candidature de Déby et l’ont soutenu, alors qu’ils ne sont eux non plus enregistrés au fichier des associations ? Si tel en est le cas, il serait judicieux de suspendre tous les serviteurs de Dieu qui militent dans le Mps et les partis alliés.

Minnamou Djobsou Ezechiel