Le quota des femmes en question          

Où trouver les femmes pour respecter le quota de 30%  qui leur est réservé sur la liste électorale, se demandent certains hommes politiques. En attendant les élections,  ce quota n’est pas toujours respecté dans les fonctions nominatives.

Les hommes politiques africains et ceux du Tchad ne cessent de clamer que les jeunes et les femmes sont au cœur de leur politique. Avec cette nouvelle approche, les femmes sont, non seulement exhortées à entreprendre dans le domaine économique, social, culturelle mais elles sont également encouragées à entrer en politique. Pour cela, le Tchad se veut un exemple de la promotion de la gent féminine. A cet effet, il a institué la Semaine nationale de la femme tchadienne (Senafet), le 8 mars. Pour les gouvernants, cette journée déclarée chômée et payée sur l’ensemble du territoire national, permettra aux femmes de réfléchir sur leur sort. En outre, l’ordonnance n° 12/PR/2018 exige un quota d’au moins 30% aux femmes dans les fonctions nominatives et électives. Pour les élections à venir, le non-respect de ce quota par un parti politique entraînerait l’invalidation de sa liste pour les législatives et municipales.  Mais le respect de ce quota risque de poser problème, selon certains hommes politiques.

Lors du café-débat d’échanges organisé le 10 décembre dernier par le Programme des nations-unies pour le développement en collaboration avec la Commission électorale nationale indépendante (Céni) sur le thème, “place et rôle de la femme tchadienne dans le processus électoral”, le président du Cadre national de dialogue politique (Cndp), Romadoumngar Félix Nialbé estime que s’il faut respecter le quota de 30% de femmes sur la liste des candidats des partis dans les futures législatives et communales, “nous seront obligés de mettre les femmes analphabètes sur nos listes”.

Lors du café d’échanges, une vidéo portant sur l’engagement politique des femmes tchadiennes a été projetée. Elle vise à inciter les femmes à faire la politique, ou à participer au moins au processus électoral (en votant), ou en devenant agent membre des composantes de la Ceni, de sous-Céni, etc.

La vidéo a mis en exergue le parcours et les témoignages des femmes politiques (Mariam Mahamat Nour, Bourkou Louise, Bintou Malloum ou encore la jeune activiste Hindou Oumarou). Mais pour la députée de l’Union pour le développement et le renouveau (Undr), El Djima Abdéramane, “la vrai question c’est l’engagement politique des femmes. Il faut aller pas à pas. Si on part du principe qu’il y a cette opportunité et qu’il faut faire le plein, quel genre d’Assemblée nationale veut-on avoir? Il faut d’abord inciter les femmes intellectuelles à militer massivement dans les partis politiques. Aller à une compétition électorale, c’est un engagement personnel et non une nomination”. “Déjà, il existe des hommes analphabètes à l’Assemblée nationale qui n’aident pas cette institution dans les débats, pourquoi en rajouter”, interroge la députée du 7ème arrondissement de la ville de N’Djaména.

Même si l’Etat a admis un quota de 30% de femmes dans les postes nominatives et électives, la pratique prouve autre chose. Selon les données du  Pnud, à l’Assemblée nationale, le Tchad compte 27 femmes sur 188 députés en 2018, soit un pourcentage de 14,36%. Au niveau du gouvernement, 8 femmes contre 31 membres, soit  de 26%. Sur les 30 membres du Conseil économique, social et culturel, il n’y a que 8 femmes, soit 20%. Seulement deux femmes sont à la tête des 23 gouvernorats que compte le pays (8,6%). Nos mères et sœurs sont encore moins représentées dans les instances diplomatiques du Tchad. Deux femmes ambassadrices sur les 24, soit 8,3%. Toujours d’après les Nations-unies, le Tchad est classé 160ème sur 162 pays selon l’indice d’inégalité entre les sexes et 141ème  sur 144 selon l’indice d’écart entre les sexes lors du forum économique mondial.

Lors des échanges, les femmes ont cité certains facteurs socioéconomiques qui leur empêchent de faire carrière politique. Certes, il y a des femmes compétentes mais leur engagement dans la politique requiert d’abord le consentement de leur conjoint dans la plupart des cas. Selon les témoignages, l’engagement politique de certaines femmes a entraîné leur divorce. La femme doit rentrer tôt pour s’occuper des enfants, des travaux ménagers et bien d’autres tâches. Or, en politique, il faut sacrifier certaines choses, passer un peu plus de temps en dehors de la maison familiale pour chercher des lobbies ou des réseaux.

La représentante-résidente  du Pnud, Carol Flore-Smereczniak a également indiqué que les moyens financiers font également défauts aux femmes tchadiennes pour leur carrière politique.

Lanka Daba Armel, stagiaire