Le président du Conseil militaire de transition (Cmt), Mahamat Idriss Déby Itno, a lancé les travaux de pavage des rues du quartier Mardjan Daffack, dans le 2ème arrondissement de la capitale. Coût des travaux: 23 milliards de francs CFA. La réalisation de ce projet avait été attribuée, en 2012, à l’entreprise française Sogea-Satom, mais il y a eu la crise financière et il était jeté dans les tiroirs. Alors pourquoi le président du Cmt est-il allé le ressortir ? Quel est l’urgence de paver les rues d’un quartier aussi petit qu’une boîte d’allumettes à hauteur de 23 milliards de francs CFA ? Quelle est l’utilité de paver un vieux quartier dont les habitations, les rues (ou plutôt “loungou” ou ruelles) et le réseau d’assainissement laissent à désirer ? Quel gâchis ! Oui, Mardjan-daffack est un symbole de Fort-Lamy, actuelle N’Djaména, mais ce quartier en ruine a mieux à faire de ces 23 milliards.
Il y a mieux à faire avec cette somme ailleurs. La saison des pluies est là, et avec son corollaire d’inondations. L’année dernière, des quartiers entiers (Toukra, Walia, Dingagali, Ambatta, Atrone, Gassi, Boutalbagar, Chadar Talata, etc.) ont été dans les eaux, faute de bassins de rétention d’eau et de systèmes de canalisation des eaux. Ils redoutent un nouveau déluge les prochaines semaines.
La saison des pluies est là et des régions comme le Salamat sont inaccessibles, voire coupées du reste du pays. Des tronçons tels N’Djaména-Guélendeng, Am-Timan-Mongo, Laï-Kélo et Kélo-Pala-Léré sont difficilement impraticables. Il en est de même de la plupart des rues de la capitale, notamment la rue qui mène au domicile du premier ministre de transition, Pahimi Padacké Albert, dans le quartier Gassi.
Pendant que des quartiers de N’Djaména et des régions du pays se préparent à subir, impuissants, la fureur de la pluie et à être coupés du reste du pays, il est inadmissible qu’on jette 23 milliards de francs dans des pavés. C’est une insulte aux contribuables tchadiens qui broient du noir.
Du folklore ! Du folklore orchestré pour détourner de l’argent. Nous avions espéré que la transition allait rompre avec les méthodes de gestion peu orthodoxes et avec la navigation à vue de feu Idriss Déby Itno. Mahamat “Kaka” n’a visiblement pas appris des erreurs de son père qui a passé les deux dernières décennies à jeter des sommes astronomiques dans des éléphants blancs et des infrastructures inutiles. Les magouilles pour s’enrichir et enrichir la horde des courtisans tiennent bien le haut du pavé.
Le signal a été donné quand Pahimi Padacké Albert, nommé à la tête du gouvernement de transition, a décidé de réquisitionner l’hôtel Le Méridien pour y installer ses bureaux. Une réquisition non pas à l’état, mais il a décidé une somme astronomique pour son réaménagement: 1 milliard de francs CFA. Tous les moyens sont bons, toutes les occasions sont à saisir pour détourner. Et c’est dans cette logique qu’une feuille de route, irréaliste pour une transition de dix-huit mois, a été présentée par le gouvernement aux partenaires techniques et financiers le 19 août dernier. Pour réaliser les 123 actions, le gouvernement recherche un peu plus de 841 milliards de francs. “Il est de notoriété publique que les moyens de l’Etat ne suffisent pas et ne suffiront pas. Par conséquent, l’implication de nos partenaires au développement et des pays amis est plus qu’indispensable”, avait déclaré Pahimi. Donc nous n’avons pas assez de moyens, et nous jetons le peu que nous avons dans des pavés et autres éléphants blancs. Quelle irresponsabilité notoire et criminelle !
La Rédaction.