Obligé de battre le pavé dans les couloirs du service de la cardiologie de l’Hôpital général de référence national (Hgrn), le Professeur Mouanodji Mbaïssouroum, dans une lettre ouverte adressée au président Déby datée du 17 juin 2020 demande à ce dernier de bien vouloir intervenir personnellement en sa faveur pour lui permettre d’exercer son métier et d’encadrer de jeunes spécialistes en cardiologie. Ndjh vous propose quelques extraits.
“(…) Par correspondance Réf. 3827 du 27 novembre 2017, vous avez instruit de façon formelle les Ministres de la Santé et des Finances et du Budget de prendre les dispositions nécessaires pour mon retour, notamment la reprise de mes fonctions publiques. Même si je n’étais pas satisfait de la totalité de mes doléances accordées, j’ai joint l’acte à la parole et je suis rentré au Tchad en mai 2018. A mon arrivée, après que deux de vos conseillers se sont entretenus plusieurs fois avec moi, ils ont constitué un dossier qu’ils ont envoyé à mes deux ministères de tutelle, de l’Enseignement supérieur et de la Santé publique. En plus du dossier expédié, ils m’ont dit verbalement que, après que je serais satisfait des doléances”. Ce qui est théoriquement bien beau pour ce haut cadre de la santé et de l’enseignement supérieur après 10 ans d’absence du pays.
Malheureusement, après deux ans d’attente, toutes les promesses qui lui ont été faites ne sont pas tenues pour des raisons qu’il ignore. “C’est pourquoi l’objet de ma correspondance concerne plutôt l’une de mes doléances que vous m’avez accordées également: la reprise de mes fonctions publiques au MSP, plus précisément à l’Hgrn où j’ai servi comme chef de service de cardiologie pendant environ 18 ans avant que je ne m’absente involontairement du pays. Au niveau de l’Enseignement supérieur, j’ai immédiatement pris service à la Faculté de médecine comme enseignant-chercheur, Professeur de Médecine, dès que j’étais affecté à l’Université de N’Djaména par arrêté ministériel en juillet 2018. Cependant au MSP, après deux tentatives des deux ministres de la Santé m’affectant à l’Hgrn pour reprendre mes fonctions hospitalières, je suis toujours sans bureau, largué dans les couloirs du service de cardiologie à l’Hgrn et cela depuis décembre 2019. Je ne pense pas que c’est cela le sens donné à votre POLITIQUE DU RETOUR DE LA DIASPORA tchadienne de faire rentrer les hauts cadres et les laisser traîner dans les couloirs d’un service”, écrit le Pr Mouanodji.
Les deux directeurs de l’Hgrn, pour des raisons qui leur sont propres refusent de l’affecter au service de cardiologie comme le lui avait promis le chef de l’Etat. “Mon premier ex Dg de l’Hgrn, Professeur Agrégé Choua Oucheni avait tout simplement refusé de m’accepter à l’Hgrn quand je me présentais à lui avec la note du MSP au début de l’année 2019. Il me suggérait plutôt que si je veux, il pourrait m’affecter ailleurs à l’Hôpital Mère et enfant (Hme) ou à l’Hôpital de la Renaissance, avec mes deux élèves cardiologues qui travaillent en ce moment dans le service de cardiologie de l’Hgrn. Le motif invoqué, c’est qu’il aurait un projet à l’Hgrn et qu’il ne veut pas m’y inclure. Sans d’autres précisions. J’ai décliné sa suggestion car non seulement je n’étais pas convaincu d’un iota de la raison de mon rejet d’une part, et d’autre part, la note du MSP m’affecte à l’Hgrn mais non pas à l’Hme ni à l’hôpital de la Renaissance. Tout se passe comme si ce sont les Dg des hôpitaux qui donnent des instructions à leurs ministres mais pas l’inverse et ils peuvent affecter le personnel où ils veulent et comme ils veulent. L’attente continuera encore pour ce dernier qui ne lâche pas prise.
“Un an plus tard, à la faveur du changement de ministre de la Santé, je revenais à la charge pour mon éternelle requête d’affectation avec un nouvel arrêté ministériel pour la reprise de mes fonctions hospitalières à l’Hgrn. C’était un 2ème nouvel arrêté du nouveau ministre, après que son 1er arrêté dûment signé ait pris une direction inconnue. Manifestement frustré et pris d’une colère sainte, mon nouveau ministre de tutelle m’a donc fait établir et signé un 2ème arrêté ministériel m’affectant à l’Hgrn. Restant imperturbable et conscient de mon rôle d’exemple de cordialité et de confraternité médicale que je dois disséminer parmi mes confrères en tant que le premier et le seul Professeur de médecine en ce moment, (appelé aussi Professeur titulaire) que compte le Tchad à travers ma modeste personne), je me suis présenté au bureau de mon 2ème Dg de l’Hgrn, aussi mon doyen de la faculté, le Professeur Agrégé Ali Mahamat Moussa.
D’un air cordial comme d’habitude mais plutôt subtil, il accepte de me recevoir à l’Hgrn et de m’affecter dans le service de cardiologie, mais en complément d’effectif pour encadrer et former les médecins cardiologues. Cette fois-ci, le motif invoqué est qu’il voudrait plutôt nommer comme chef de service de cardiologie, un médecin cardiologue plus jeune que moi et que je dois en même temps encadrer et former. D’un ton amical aussi, je lui ai répondu, et lui ai aussi laissé un écrit 24 heures plus tard pour m’assurer qu’il comprenne mon langage, que pour mon affectation dans le service de cardiologie, ce n’est pas la peine qu’il utilise d’autres adjectifs tel que complément d’effectif qui amènerait mal compréhension et frustration inutiles. De plus, c’est indécent et pas élégant du tout de la part d’un Professeur Agrégé, fut-il un Dg d’un Hôpital, de dire à son maître que je suis, Professeur Titulaire des Universités du Tchad, comment encadrer et former un médecin pour devenir Professeur Agrégé, tout en étant son subalterne dans un service. C’est à la fois anachronique et pas académique du tout. C’est de l’humiliation, en un mot. Deux mois plus tard et tout en travaillant dans les couloirs du service de cardiologie, je revenais à la charge. Malgré le conseil de certains de ses collaborateurs, il persiste et signe en me répondant que je pourrais continuer à travailler dans les couloirs du service de cardiologie, sans bureau jusqu’ à la fin de l’épidémie de la Covid- 19 qui secoue en ce moment le Tchad et le monde entier. C’est le comble et une incompréhension totale…
Le bureau du chef de service de cardiologie que j’ai occupé pendant 18 ans est là, inoccupé, mais je ne veux pas continuer à renouveler indéfiniment ma requête à chaque fois que l’Hgrn reçoit un nouveau Dg. Ne dit-on pas que l’Administration est une continuité?”, s’interroge le Pr Mouanodji qui pense que la résolution de son problème exige l’intervention personnelle du chef de l’Etat. “Je vous adresse cette lettre pour que vous usiez de votre autorité suprême pour restaurer en lieu et place de l’atmosphère d’humiliation et de frustration actuelle par une atmosphère d’apaisement, de confraternité et de convivialité entre mes deux confrères et moi. Il y a d’un côté ceux à qui vous faites confiance pour le travail que vous leur confiez, et de l’autre côté ceux que vous faites rentrer au pays sur la base de votre noble politique de retour de la diaspora tchadienne. Nous avons besoin de cette atmosphère calme pour travailler ensemble et chacun en ce qui le concerne, de par ses fonctions et titres pour le bénéfice des malades et des étudiants en médecine dont nous avons la charge”, plaide le cardiologue qui rappelle par ailleurs l’esprit du mandarinat médical.
“Enfin, Excellence, dans le cadre de l’Excellence et de l’académie médicales, je voudrais lever le voile sur les principes de base élémentaire du MANDARINAT MEDICAL et de la confusion généralisée de l’appellation et de la signature des titres académiques, sciemment répandue et entretenue au sein des enseignants chercheurs des Universités du Tchad et que certains collègues médecins se cachent derrière pour se dérober du respect et d’égard envers leurs aînés de grade et d’ancienneté. En effet, comme on ne peut appeler quelqu’un, monsieur le certifié, monsieur le bachelier ou monsieur le PHD etc., l’on ne peut non plus appeler quelqu’un monsieur Professeur Agrégé. Cela accroche le tympan. C’est pourquoi l’on consacre l’usage d’appellation verbale d’un Professeur Agrégé, Professeur tout court. Mais cela ne lui confrère en rien le titre de Professeur, s’il n’y est pas encore admis. C’est pourquoi, à la signature d’un document, d’une ordonnance médicale, d’une carte de visite ou tout autre document, le Professeur Agrégé doit faire précéder son nom à la signature de la mention de son grade “Professeur Agrégé” mais non pas écrire “Professeur” tout court.
Si un enseignant-chercheur Maître de conférences, signe de cette manière alors qu’il n’est pas encore Professeur titulaire, il fait du faux et usage du faux. A l’instar de beaucoup des Maîtres de conférences du Tchad, c’est ce que font mes deux confrères, ex Dg de l’Hgrn, pour faire croire qu’ils sont égaux à moi, Professeurs de médecine, alors qu’ils ne le sont pas encore. Ils sont des Professeurs Agrégés, mais ne sont pas encore des Professeurs de médecine. C’est pourquoi on les appelle des Professeurs Agrégés, et moi, je suis leur Maître. Ils le savent parfaitement. L’éthique académique s’impose à eux et ils doivent faire précéder leurs noms par leur grade Professeur Agrégé avant d’apposer leurs signatures sur un document. C’est un enseignement. Le respect de l’éthique académique rappelé ici à leur attention, doit les amener à rectifier cet état de chose. Le même principe de “mandarinat médical”‘ voudrait aussi que quiconque voue du respect et de la déférence à tout point de vue et à vie à un aîné de grade ou d’ancienneté qui est promu Professeur de médecine ou Maître de Conférence Agrégé avant lui. Peu importe s’il l’a enseigné ou non la médecine. C’est sur la base de ce 2ème principe de mandarinat médical que, même étant aujourd’hui Professeur Titulaire, j’ai mes Maîtres et Patrons partout en Afrique et dans le monde mais pas au Tchad.
De la même manière, je suis Maître de beaucoup de Professeurs Titulaires et Agrégés promus après moi partout dans le monde et au Tchad. C’est ce mandarinat qui fait de la médecine un corps spécial et qui est enseigné partout dans le monde de génération en génération à travers les siècles jusqu’à nous. Le Tchad ne peut en faire l’exception. Le principe, l’éthique académique de cette signature s’applique également dans toutes les autres facultés où il y a également des Professeurs Titulaires et des Agrégés ou pas. Il y a pourtant bon nombre des universitaires tchadiens qui s’appliquent ce principe de signature”.
Extraits proposés par Togmal David