Maoundoé et ses “apatrides” de Gaoui

En lançant son projet “Au nom de l’art’’, en faveur des potières de Gaoui, un quartier archéologique situé dans le 10ème arrondissement de la capitale, l’artiste musicien et sculpteur, Maoundoé Célestin, a fait une découverte stupéfiante : sur 51 femmes bénéficiaires du projet, presque la totalité ne disposent ni d’acte de naissance ni de carte nationale d’identité. C’est “Au nom de l’art” qu’elles deviennent citoyennes.

C’est lors d’une excursion avec des enfants, à la recherche de terre argileuse, à Gaoui, cité légendaire des Sao située à 15 kilomètres de N’Djaména, que des potières ont été découvertes. Grand-mères, mères, filles et petites filles se passent le flambeau depuis plusieurs générations. Des potières occupées à fabriquer des jarres et pots de fleurs, dont la réputation traverse les frontières nationales, mais, aujourd’hui, voient  leur savoir-faire menacé de disparition à cause des problèmes socio-économiques. Au premier rang de ceux-ci figurent l’analphabétisme et l’urbanisation galopante de la ville de N’Djaména, qui tend à absorber leur localité et réduire leur espace de prélèvement de la matière première. Face à cette urgence, l’équipe du projet s’est ouverte à elles, afin de les accompagner vers d’autres techniques de créations et de cuissons, pour produire des œuvres plus raffinées et élaborées dans le domaine de la céramique (luminaires, couverts, bols, tasses à café, vases, objets de décorations, …), de la construction (tuiles, plaintes), etc.

Dans le souci d’autonomiser les bénéficiaires et leur accorder une indépendance financière, le projet a choisi de leur ouvrir des comptes personnels au sein d’une banque de la place. C’est là qu’un véritable problème surgit: sur les 51 femmes, 38 n’ont pas d’actes de naissance et 49 ne disposent d’aucune pièce d’identité. Des démarches sont aussitôt engagées afin de leur délivrer des documents d’état civil.

Cette découverte bouleversante soulève le récurrent problème d’accès aux documents d’état civil au Tchad où, jusqu’au cœur de la capitale, des milliers d’individus vivent dans une situation d’apatridie.

RM