Métastase

La confiance est la foi que place l’Homme en ses semblables, fût-ce individuellement ou collectivement. Elle comporte ceci de complexe qu’autant elle est sublime et gratifiante, autant elle est fragile et exigeante. Dès lors, il demeure nécessaire d’en alimenter la flamme d’assurance et de délicatesse pour fait de preuve que l’on en mérite le don. Sans une telle motivation, non seulement la confiance s’étiole et se meurt; mais pire elle se métamorphose en une bestiale posture de méfiance, voire en hétérie paranoïaque, tout aussi obsessionnelle qu’irrationnelle.

La réticence de nombre de nos concitoyens à se faire inoculer le vaccin contre le coronavirus est loin de traduire un fait fortuit; et, nous aurons tort d’en faire un épisode bassement anodin de nos chahuts sociétaux. Certes, il est toujours des doutes et hantent les esprits des personnes face aux changements, face aux innovations scientifiques, technologiques, et a fortiori médicales. Cependant, la problématique qu’induit l’appréhension de ce dernier vaccin est autrement plus complexe. En effet, la désinformation et la mésinformation entretenues par les nouveaux supports de communication ainsi que les réseaux supposés sociaux ont ouvert la vanne aux rumeurs les plus folles, aux explications les plus saugrenues, toutes nourries des plus absurdes théories complotistes. Désir des puissances de l’ordre de contrôler le monde par le truchement de puces électroniques miniatures dissimulées dans le vaccin; plan de délimitation démographique du continent noir ; castration chimique du mâle à la peau mélanique qui serait sexuellement trop puissant; que des thèses complotistes, les unes plus absurdes que les autres. Et pourtant, au-delà du légitime rire rationnel que ces élucubrations peuvent susciter, il importe de s’en interroger objectivement, tenir d’élucider l’anatomie de ces transports délirants. À dire vrai, la méfiance de nos concitoyens vis-à-vis du vaccin anticovid procède en toute logique de la défiance politique qui les habite vis-à-vis de leurs gouvernants. Lorsqu’un peuple ne cesse d’assumer des abus toujours plus violents, toujours des  plus humiliants de celles et ceux censés le protéger, d’où lui viendrait le motif de faire confiance à ces derniers? Les injustices récurrentes, les brutalités politiques avec leur corollaire de précarités socio-économiques; le règne implacable de l’arbitraire, … N’est-ce-pas là le lot quotidien de nos concitoyens? Il serait simplement illogique d’aller croire qu’au niveau de ce dédale d’agissements cruels et diaboliques, puisse surgir la philanthropique intention de nous inoculer un vaccin bienfaisant, salvateur. Alors, d’aucuns allèguerons que ce sérum anticovid relève du domaine scientifique; ce qui n’aurait rien de politique. Hélas, non ! Un tel raisonnement transpire une affligeante lecture simpliste de la réalité. Ce qu’il y a à réaliser, c’est que la politique reste la matrice structurante de toute société; sa dynamique est le paradigme qui, consciemment ou inconsciemment charpente toutes les autres composantes de la vie en collectivité. L’on ne saurait impunément laisser la politique se dégénérer, et espérer faire prospérer les autres foyers sociétaux dans les interstices de sa putréfaction. Ce serait pareil à laisser l’utérus d’une mère être rongé par un cancer en espérant d’elle quelque progéniture. Si tant d’esprits éclairés s’évertuent à exiger des hommes et des femmes politiques une conduite moralement exemplaire, ce n’est qu’en vue de faire de la politique une source d’inspiration potable, digne de confiance. Car, en bien comme en mal, la politique imprime sa logique à l’inconscient collectif; ce que retiennent les masses comme étant son image d’Épinal restera ce qui inspirera toutes les strates de la société. Dans notre cas de figure, nos gouvernants n’ont jamais fait montre de la moindre empathie à l’endroit du peuple, du coup leur brusque flamme vaccinale apparaît comme une anomalie comportementale.

Lorsqu’un parent est maltraitant à l’endroit de sa progéniture, celle-ci sera enclin à s’enfuir à sa vue plutôt qu’à courir se jeter dans ses bras ; même si ce bourreau de parent brandit une friandise en guise de caution pour se racheter. Et ce reflexe n’a rien de rationnel, quelquefois, c’est un instinct de survie qui agit. Dans l’absolu, la peur dudit vaccin est infondée, du moins sur le fonds des arguties complotistes qui çà ou là foisonnent. En effet, si les puissances occidentales étaient désireuses de nous exterminer, nous autres noirs, ce ne sont pas les vecteurs de contamination qui leur feraient défaut. Tenez : du lait pour nourrissons dont nous alimentons nos bébés à nos pâtes dentifrices; des serviettes hygiéniques de nos femmes à leurs perruques; de nos sous-vêtements aux pullules et autres implants contraceptifs, en passant par les préservatifs, le whisky, les cigarettes, etc. que des produits dont l’Occident nous est pourvoyeur. Des produits qui plus est davantage consommés donc, naturellement plus efficaces qu’un vaccin dont la prise est facultative. Rajoutons à ce florilège de non exhaustif les escadrilles de satellites qui tournoient au loin au-dessus de nos têtes, et les élucubrations des petits théoriciens de complots fondront comme beurre au soleil.

Quoi qu’il en soit, cette crise de déficience, qui ne restera pas la dernière, interpelle notre conscience morale et politique. Si nous aspirons à bâtir une société civilisée où la raison prime sur les fictions démentielles, l’urgence est de changer de braquet pour agir dans l’honnêteté. A contrario, tant que nous considérons la politique comme le sanctuaire par excellence de la fourberie et des spéculations, nous périrons de notre ignorance. Car, la politique étant une dynamique structurante, transversale, tous ses effets demeurent transversaux.

Béral Mbaïkoubou, Député.