Dikbo Hubert, natif du village Louga dans la sous-préfecture de Lamé, et par ailleurs ancien inspecteur départemental du Mayo Dallah tire les conséquences de l’exploitation du ciment sur la vie socioéconomique de ses concitoyens.
Après 8 ans d’exploitation du ciment, quel bilan tirez-vous?
Cette société a suscité tant d’espoir en termes de résorption du chômage des jeunes de cette localité, et aussi en termes d’investissement pour la population, qui a du ciment à un bon prix pour avoir un habitat décent. Il était prévu la réalisation des infrastructures sanitaires et scolaires. Le lycée de Lamé qui devrait être construit ne l’est pas. Un magasin est construit à la place de l’hôpital de district. Des écoles sont construites à Louga et Baoré mais sans équipement. Il n’y a pas plus de trois ou quatre forages d’eau construits. Le château n’est pas toujours construit, etc. La population continue à boire de l’eau des puits à ciel ouvert. La seule réalisation visible de la Sonacim est la construction du lycée communal de Pala. Quatre hangars ont été construits dans les cantons Doué, Dari, Lamé et Tagobo Foulbé, mais certains sont déjà emportés par le vent. Ces hangars sont une insulte à l’endroit de ces localités. Il n’y a pas eu de mécanisme de suivi de ce qui devrait être fait. Mais il y va de la lâcheté de nous les ressortissants aussi. On a des voix qui ne portent pas et des cadres qui ne voient que leurs intérêts. Le ciment est exploité chez nous, mais il n’y a pas de dépôt dans notre localité. Cela ne devrait exister sous aucun prétexte. Etant au nez et à la barbe de la cimenterie, on achète le ciment à 7 000 ou 8 000 francs. Je suis très déçu. Lors de l’inauguration de cette usine, le président avait dit que la voie bitumée allait quitter Kélo pour arriver à la cimenterie. On attend toujours cette voie.
Qu’en est-il de l’emploi créé aux ressortissants de la localité?
On comprend que travailler dans cette société nécessite une certaine qualification. Mais je ne pense pas que les recrutements à la Sonacim soient faits sur la base de critères objectifs. La cimenterie a été confiée à une famille qui la gère comme un bien personnel. Le cri de la population est considéré comme l’aboiement d’un chien qui voit passer la caravane. Beaucoup de ressortissants de Lamé ont été mis à la porte, parfois à cause de complots qu’ils ourdissent les uns contre les autres ou pour de simples jalousies. Il y a des gens mis à la porte sans droits de licenciement et qui attendent de pied ferme le nouveau directeur général. Pendant que certains sont licenciés, d’autres sont recrutés clandestinement. On n’émet aucun avis de recrutement. C’est frustrant ce qui se passe autour de la gestion de cette cimenterie.
Sans oublier les abus des forces de sécurité sur la population. Ils ne rendent compte qu’à l’ancien directeur général. On effectue des tirs à balle réelle sur les gens quand il y a protestation. Il y a des agents qui sont là officiellement et d’autres qui étaient là pour le compte du directeur général. La cimenterie ne fait rien pour nous. On nous dit que l’argent pour les réalisations sociales a été débloqué. Mais remis à qui? Et bizarrement, il y a une autre cimenterie qui a été implantée dans la sous-préfecture de Lamé. Le Cimaf est ravitaillé par le calcaire du canton Tagobo Foulbé.
Je le dis bien, la cimenterie appartient à une famille, pas à un Etat. Pire, nous sommes nés là où il y a le calcaire. Les gens l’ont découvert quand nous étions là. Mais aujourd’hui, le calcaire est devenu la propriété d’un individu, qui détient une société dénommée Soca (Société de calcaire). Et c’est avec la Soca que la Sonacim achète le calcaire. Comment peut-on admettre cela? La population qui est assise sur le calcaire n’a pas de calcaire, mais ce sont des individus qui arrivent après l’implantation de la cimenterie pour dire qu’ils détiennent le titre de propriété du site du calcaire. C’est comme un bien qui existe dans un endroit non habité. On le partage comme on a partagé l’Afrique.
Interview réalisée par Lanka Daba Armel