L’avidité mercantiliste qui conduit à agir en prédateur vis-à-vis de ses semblables est sans doute une forme des plus abouties du cynisme ; une catalepsie qui frappe l’âme et l’esprit à la fois, d’autisme, de surdité et de cécité. Car, si l’indifférence, l’insouciance quant aux souffrances des autres apparaît déjà comme une cruauté, qu’en serait-il du cynisme qui consiste à se délecter, se réjouir de leurs malheurs ? En dehors de notre capacité à éprouver de l’empathie pour Autrui, toute prétention d’humanité ne vaut trop que comédie existentielle.
a la lumière du pré-dialogue qui, depuis quelque temps se tient entre notre gouvernement et les mouvements armés, l’on peut être certain que l’unique avenir de notre actuelle transition restera l’échec. Et cela non pas parce que les débuts dudit pré-dialogue auront été laborieux, mais pour la bête et simple raison que l’État de droit dont nous rêvons tant demeure une perspective apocalyptique pour d’aucuns. Nul ne saurait objectivement s’étonner que les débuts des discussions auraient été chaotiques avec ces seigneurs de guerre. Une seule explication à cela : quiconque est en capacité de parler ne se voue pas aussi banalement à la violence. Rajoutons à cette explication l’étrangeté de l’équipe gouvernementale bricolée de toutes pièces et à l’improviste, et nous réaliserons l’évidence de départ. Autrement dit, il n’est aucunement matière à s’étonner face à cette entreprise cafouilleuse, ridicule, puérile dans laquelle notre pays se trouve aujourd’hui idiotement englué. La problématique qui doit nous interroger, c’est celle du paradigme de la présupposée “Lutte armée” pour s’emparer du pouvoir. Les divers mouvements armés que nous aurons connus, en particulier ceux étant parvenus à s’accaparer du pouvoir, auront-ils un seul instant combattu pour une fin autre que celle d’accéder au pouvoir et en jouir ? À la lumière de notre courte néanmoins calamiteuse histoire, la réponse penche vers la négative. Dès lors, il n’est aucune raison de se montrer optimiste quant aux pourparlers qui ont court entre nos gouvernants et leurs protagonistes armés. Ces rencontres resteront une monumentale messe des hypocrisies ; messe à laquelle les aspirations du peuple seront les cadets de tous les soucis. Certains de nos concitoyens ont épousé et aspirent à imposer une culture selon laquelle la violence en général et particulièrement la guerre, serait une pratique de rente. Ainsi, il y aurait le riz, le coton pour les uns ; le bétail, la gomme arabique pour les autres ; et gracieusement le sang de leurs concitoyens pour les entrepreneurs de la violence ! Il est donc à craindre, fort de notre récente histoire, que le pré-dialogue avec les groupes armés ne se résume qu’à une foire aux triviaux intérêts où comme hier, corruption, soudoiement, achat de conscience aux dépens des deniers publics, ne fassent office de credo. Selon toute vraisemblance, la paix qui, prétendument se négocie aujourd’hui avec les passionnés de la guerre, sera la paix dans son acception la plus dévouée, la plus rabougrie que nous aurons toujours connue ; en d’autres termes la paix au sens de latence, d’assoupissement de la guerre, jusqu’à l’éclosion d’un nouveau caprice, d’une nouvelle éclosion de frustration égoïste. Cette paix-là est la paix du pouvoir, qui vaut hélas, l’usine à produire toutes les misères du peuple. Pourquoi pensez-vous qu’a été honteusement éjecté l’ancien président de la République meneur des échanges préliminaires ? Se débarrasse-t-on par pur hasard d’un homme unanimement considéré comme crédible, consensuel, moralement probe dans un contexte où ni la crédibilité, ni le consensus, et encore moins la probité morale ne courent les rues ? Et, cette pléthore de groupes armés invités à la grand-messe des hypocrisies, croyez-vous qu’elle procède d’un inventaire sérieux, réaliste des rebellions militaires dans notre pays ? Que des interrogations qui jettent une lumière crue sur le plan machiavélique en voie d’orchestration par les hommes et les femmes qui nous gouvernent. Ce que révèle d’affligeant cette viscérale incurie de nos dirigeants, c’est la fausse idée qu’il n’y aurait de menace sur leur pouvoir que la menace des armes. Et pourtant, rien n’est jamais plus dangereux que le courroux, le ras-le-bol d’un peuple que l’on oppresse dans l’humiliation. L’on a beau croire tuer pour intimider, viendra tôt ou tard le mort de trop ; l’on a beau verser du sang pour se faire une place au soleil, tombera un jour la goutte de sang de trop, qui maculera de noirceur ce soleil usurpé ! Et, notre peuple n’est point par essence apathique ; quiconque placerait ses espoirs démoniaques dans sa présupposée irrémédiable résignation, connaîtra sous peu sa douloureuse désillusion !
Sommes-nous sincèrement inaptes à avoir une lecture lucide du signe des temps, ou avons-nous simplement un projet latent de quelque suicide collectif ? La révolte gronde, l’exaspération est à fleur de peau. Comment ne pas s’en rendre à l’évidence lorsque l’on se prétend dirigeant ? L’arrogance, la religion du mensonge, l’immoralité que des immondices de la conscience pour caractéristiques d’une gouvernance illisible et lâche. Illisible, parce qu’à nos préoccupations les plus structurelles, les réponses ne demeurent que conjoncturelles ; lâche, pour la simple raison que l’on n’ose pas punir les indélicats alors qu’on les connaît ; au contraire, l’on s’en accommode. Sans jouer aux prophètes de malheur, hormis le chaos et la catastrophe, quel destin prédire d’une société dont l’imaginaire est ancré dans la violence ? D’aucuns, à ce moment charnière de notre histoire, brandiront à nouveau la vieille et soporifique rengaine selon laquelle notre pays vient de loin, pour tenter d’atténuer la gravité du drame. Mais, de quelles lointaines ténèbres remontons-nous pour autant nous complaire dans l’inacceptable et vomir la lumière ? Il est des sociétés qui, bien plus récemment, ont connu des affres pires et qui auront réussi à remonter la pente et à faire leur résilience. Or, en matière d’affres, plus le drame est récent, plus les traumats sont vifs, et plus vous venez de loin. Ainsi, cette rengaine de notre douloureux passé constitue une pure escroquerie intellectuelle.
En définitive, notre problématique dans ce pays n’est pas d’abord politique, elle est morale. Aussi, s’avère-t-il impérieux que nous nous donnions le courage de démonétiser la violence guerrière afin de déshériter définitivement les suppôts de la barbarie qui font du sang des innocents une rente, une source capitalistique bon marché. En d’autres termes, nous nous devons de nous engager courageusement à désemberfilicoter l’écheveau de la militarisation de notre appareil étatique ; une tâche d’autant plus acharnante que le millage de cet abject écheveau aura été tricoté depuis des lustres et que d’illustres truands de la République s’en veulent les irréductibles cerbères. Quoi qu’il en soit, sans ce courage révolutionnaire, notre société restera comme l’anus de l’humanité d’où ne sortira que de la matière excrémentielle !….
Béral Mbaïkoubou,
Député