La donne a changé. Ce n’est plus des maladies, encore moins de conflits intercommunautaires ou de vandalisme que le sang des filles et fils des Sao continue de couler. L’actualité de la semaine dernière est effroyable. Elle a offert beaucoup plus d’horreur dans la capitale mais aussi en provinces, comme si un rallye est organisé pour primer la meilleure contrée qui aura enregistré plus de cadavres humains que d’autres. Même si celle qui défraie la chronique reste toujours marqué par les tueries et les massacres sur fond de vendettas ou de mauvaise cohabitation, dans la partie septentrionale (Molou dans la province du Ouaddaï), le meurtre du chef de canton et son goumier dans le Salamat et dernièrement, la pire des barbaries à Orégom (province du Mayo-Kebbi ouest) dans la zone méridionale du pays, un fait qui n’est pas nouveau mais bien cruel s’en est rajouté. A N’Djaména où l’on est censé être plus protégé, du fait de la présence massive des forces de défense et de sécurité, la mort a passé son arme aux gros engins à moteur qui pullulent. Ces bennes, sans organes techniques exigés (ils manquent jusqu’aux freins) déciment plus que des armes à feu. Tenez : à N’Djaména et en pleine journée, sous l’œil et la barbe des agents de la brigade de circulation, quatre jeunes hommes, deux dames et un bébé, ont été tués par des gros porteurs et bennes. Comme “moins que des mouches écrasées en 48 heures”, commente avec amertume un internaute. Même une tractopelle, dans sa course folle, est parvenue à écraser à la fois un motocycliste transportant une mère et son bébé. L’on est à se demander à qui le prochain tour, tant le bal des messes de requiem vient d’être ouvert.
Quel tort ont-ils causé à leur pays ces tchadiens qui meurent, soit abattus avec des armes de guerre détenues par ceux qui n’en ont pas le droit, soit écrasés par des tacots qui circulent en ville alors que leur place se trouve dans les fourrières ? Aucun, apparemment. Leur tort, si on peut l’appeler ainsi, c’est de naître dans un pays sans nul pareil où les règles et les lois qui conditionnent la bonne gouvernance, le vivre en harmonie, ont disparu. Sinon, où a-t-on vu des éleveurs nomades ou sédentaires se prémunir d’armes de guerre qui relèvent de l’exclusivité de l’état, pour se retourner contre leurs compatriotes aux mains nues ? Ou encore, dans quel autre pays que le Tchad des engins considérés comme des cercueils roulants peuvent librement circuler en ville, sans être gênés par les policiers ni par les gendarmes ?
Au Tchad, depuis la trentaine d’années que dure le régime des Itno, tout cela est possible et se vit avec amertume par le contribuable qui attend en vain le service de son état en retour.
De fait, le peuple tchadien sous la 5e République souffre d’un manque de gouvernance criard. Cela se ressent et se traduit à travers les actes des membres du gouvernement qui agissent sans cohésion entre eux. Ce faisant, le navire Tchad est en train de prendre l’eau de tout côté. Comme étant sans capitaine, il tangue et n’attend que le parfait naufrage d’ici peu. Et ceux qui sont censés le redresser, le Président de la République et son Premier ministre jouent aux abonnés absents. Comme pour dire, circulez… Il n’y a rien à dire, rien à voir. Tant que notre pouvoir hérité qui nous donne droit à un mandat de cinq ans est assuré, nous y sommes, nous restons.
Mais le mal que vivent les Tchadiens est très profond. En attendant que tout explose, si rien n’est fait, les descendants des Sao meurent plus que des mouches ! Pour que vive la 5e République.
La Rédaction.