Sur les traces du Maréchal*

L’histoire se répète ! Fraîche encore en mémoire, dans une guerre similaire déclenchée par la secte Boko Haram en mars 2020, dans la province du Lac-Tchad, un nombre important de soldats loyalistes ont succombé sur le champ de bataille. Cette attaque dirigée contre la garnison de Bohoma (200 militaires) a infligé une cinglante défaite à l’armée tchadienne. Une centaine de soldats tués, des pertes matérielles importantes. “Je refuse cette défaite et la réplique doit être foudroyante”, déclarait feu général Déby Itno, qui s’était porté lui-même au front pour la riposte.

Il dénomme son opération : “la Colère de Bohoma”. Du 31 mars au 8 avril 2020, le général Idriss Déby Itno installe son quartier général sur l’île de Kaiga-Kindjiria. Il décrète et déclare les départements de Fouli et Kaya frontaliers au Niger et au Nigeria, “zones de guerre”, et dirige lui-même les opérations.

Sachant le cours des événements basculé en faveur du général Déby, des scénarios de toutes pièces ont été montés pour suivre le “guerrier” sur le champ de bataille. Des députés dont en tête le président de l’Assemblée nationale, Haroun Kabadi, des responsables des partis politiques alliés et des associations de la société civile proches du pouvoir, etc. ont en masse déferlé au Lac, pour féliciter de vive voix, le général tout en treillis vêtu, sous la tente de son QG.

Peu de temps après, victorieux après son offensive contre les djihadistes, le grade de général ne conviendrait plus à Déby Itno. Et au cours d’une cérémonie riche en et sons et couleurs organisée à l’Assemblée nationale, son président Haroun Kabadi élève Idriss Déby Itno à la distinction honorifique de Maréchal, pour sa bravoure, pour la gloire. Comme feus Jean-Bédel Bokassa de la Rca, Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga du Zaïre, Idi Amine Dada de l’Uganda… Cette gloire du Maréchal le projette, une fois de plus, au-devant de l’offensive rebelle du Fact (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad) lancée depuis le Kanem contre son pouvoir. Le 20 avril 2020, le Maréchal Déby y trouve la mort.

Ayant hérité du pouvoir de Déby Itno, Mahamat Kaka marche point par point sur les traces de son père. Ses conseillers ne changent ni de méthode ni de tactique. Le passé ne leur donne aucune leçon. Voilà pourquoi après la “Colère de Bohoma”, l’héritier qui s’est drapé dans une tenue civile, pour accéder au trône, ré-arbore le treillis pour lancer l’opération “Haskanite”, contre la récente attaque (27 octobre dernier) de Boko Haram, sur une position d’un régiment de l’armée tchadienne, basée à Barkaram, dans le même Lac-Tchad qui s’est soldée par une quarantaine de morts et des blessés. Le QG installé au front, des groupes se sont constitués pour suivre le général Mahamat Idriss Déby pour le féliciter. Ils en ont été dissuadés par le Premier ministre intérimaire, le garde des Sceaux, Abdéramane Birémé. Mais à défaut de se rendre derrière le général, un folklore s’instaure. C’est une litanie des communiqués de soutien ou de positionnement qui se diffusent à longueur des journées sur les ondes de la radio et télé d’état…

De là à entendre le président du Conseil national de transition, le parlement provisoire, proclamer son intention de sacrer Maréchal Mahamat Idriss Déby Itno, comme son homologue de la défunte Assemblée nationale, il n’y a qu’un petit pas à franchir.

Décidément au Tchad, personne ne semble tirer leçon de l’histoire, fut-elle récente.

La Rédaction

  • Idriss Déby Itno