‘Un avocat ne fait pas de la politique politicienne’

Les assises de la Conférence internationale des barreaux de tradition juridique commune (Cib) ont été closes le 6 décembre 2019, après trois jours d’échanges sur le rôle d’avocat et les conditions d’exercice de son métier.

“L’avocat et la justice en temps de crise”. C’est autour de ce thème central, disséqué en plusieurs sous-thèmes, que les échanges ont été conduits sous la coordination du bureau de la Cib.

L’auditorium de l’hôtel Radisson Blu est érigé pour l’occasion en un “barreau des barreaux”, au sein duquel l’élégance vestimentaire et l’art oratoire qui assaisonnent le métier d’avocat ont chassé le stress durant tout le temps des travaux. Des panels enrichissants sur l’autorégulation de la profession, sur la déontologie et l’éthique ainsi que ceux axés sur le respect du droit de la défense et de la protection des avocats dans leur mission ont donné lieu à des débats passionnants.  Puisqu’il s’agit d’un congrès, les assises ont permis également aux avocats de renforcer l’équipe dirigeante de la Cib. Désormais, le nombre des membres du bureau passe de 6 à 12 personnes. Et c’est le bâtonnier au barreau du Tchad, Me Athanase Mbaïgangnon qui a la charge de conduire le navire Cib jusqu’au 35ème congrès qui se tiendra au Gabon en 2020.

C’est dire qu’au-delà de la rhétorique et de l’élégance, la Cib est un véritable rendez-vous de partage d’expériences entre les avocats membres des barreaux francophones qui ont en partage la tradition juridique commune. Plus encore pour ceux du Tchad dont le cercle s’agrandit au jour le jour et qui ne peuvent désormais se tenir à l’écart des instances internationales qui font la promotion de leur métier et surtout du développement du droit. C’est d’ailleurs ce qui justifie la tenue de ce 34ème congrès à N’Djaména, selon les organisateurs.

“Notre barreau a opté depuis quelques années pour son intégration dans la grande famille des avocats qu’est la Cib, qui a pour mission essentiel d’aider les barreaux membres dans leurs actions en vue de développer le métier d’avocat dans le respect de leur autonomie”, déclare Me Athanase Mbaïgangnon à l’ouverture des travaux. Le bâtonnier signale qu’à ce jour, le barreau du Tchad a 23 ans et compte en son sein 176 avocats inscrits au tableau, parmi lesquels 32 femmes. On compte également 77 avocats stagiaires qui apprennent le métier dans différentes études légalement constituées. Pour son confrère, Me Elie Elkaim, bâtonnier au barreau de Suisse et ancien président de la Cib, la rencontre des avocats est plus qu’une plateforme de coopération entre les barreaux. “La Cib est un instrument de solidarité entre tous les avocats du monde qui sont reliés par des liens fraternels dans une relation quasi familiale. Et, en sollicitant la tenue de ce congrès à N’Djaména, le barreau des avocats du Tchad voudrait sans doute témoigner son attachement aux nobles valeurs de notre profession”, renchérit-il. Me Elie Elkaim a saisi l’occasion pour demander à ses confrères d’être jaloux de leur liberté et de se tenir à l’écart de la politique politicienne qui compromet l’indépendance de l’avocat.

“L’avocat dans son rôle, ne fait pas de politique politicienne. Car les expériences montrent ici en Afrique et partout ailleurs que lorsqu’un ordre des avocats se laisse emporter par la dérive du conflit politique national, il s’autodétruit. Et, en tant que porte-parole d’une société au sein de laquelle il jouit d’une position singulière, l’avocat doit demeurer libre dans sa profession”, exhorte-t-il.

Dans son discours d’ouverture des travaux, le 4 décembre, le président de la République, Idriss Déby Itno s’est montré libérateur des avocats tchadiens. Il rappelle à l’assistance qu’avant lui, dans les années 80, il n’y avait qu’un seul avocat au Tchad mais qui a été assassiné par son prédécesseur Hissein Habré.

“C’est à partir de 1990 que le métier d’avocat s’est imposé dans notre paysage et, aujourd’hui, le nombre sans cesse croissant des avocats tchadiens témoigne la noblesse du métier”, déclare le chef de l’Etat.

Déby reconnait que, malgré son rôle à la fois difficile et prestigieux, l’avocat est le seul qui résiste à la fureur dans les prétoires et devant les médias pour empêcher la violation des droits humains. “C’est pourquoi je voudrais réaffirmer mon engagement constant, à renforcer les conditions d’exercice d’avocat dans tout notre système judiciaire”, promet-il.

Etaient présents à la rencontre de N’Djaména, des bâtonniers des ordres des avocats, des avocats titulaires et stagiaires, des professeurs des universités, des juristes d’affaires et étudiants en droit et techniques juridiques qui sont venus en admirateurs d’un métier à leur portée.

Alladoum leh-Ngarhoulem G.