Un hôpital sans énergie et médicaments

L’hôpital de district de Goré (département de la Nya-Pendé) se caractérise par un manque cruel d’énergie, de médicaments, de l’eau ainsi que de moyens logistiques. Les interventions jugées clés de l’Unicef sont une bouée d’oxygène, mais ne constituent pas une réponse globale sur laquelle l’Etat doit démissionner de son rôle.

Le médecin chef de district (Mcd), Dr Madjingaye Kabo estime en termes d’état des lieux, que le taux de fréquentation se situe entre 16 et 18%, et de manière générale autour de 20%, en fonction des activités (consultations, accouchements, planning familial, etc). L’hôpital gère 22 zones de responsabilité. Récemment, dit-il, un nouveau district est créé à Nyabodo qui absorbe 3 zones de responsabilité. Mais en l’absence d’une cartographie, c’est le district de Goré qui le gère. Il certifie que tous ces centres sont gérés par des professionnels formés, même si tous ne sont pas des agents de l’état. L’aspect le plus difficile dans la gestion de ce personnel, c’est le bénévolat qui l’entoure et qui pose problème, reconnaît-il. Pour ce qui concerne les pathologies, les cinq maladies dominantes en consultation sont par ordre : le paludisme, les infections des voies respiratoires aigües chez les enfants, la diarrhée, la malnutrition et le traumatisme (accident de voie publique, coups et blessures, …) qui, curieusement, fait son apparition de manière exponentielle. Pour ce qui concerne les causes d’hospitalisation, le médecin mentionne le paludisme, l’anémie, les infections des voies respiratoires aigües et le traumatisme.

 

Des difficultés à plusieurs niveaux

Les difficultés se posent à plusieurs niveaux. Energie, eau, manque de médicaments et de moyens logistiques. “Nous souffrons beaucoup de problème d’énergie. Le district ne peut pas gérer un groupe de 100 à 110 kilovoltampères (kVA) , il y a un problème sérieux d’eau, le parc automobile est vieillissant, il n’y a rien qui puisse tenir, puisque les véhicules sont inutilisables, aucune ambulance ne fonctionne et nous faisons avec des moyens de bord pour évacuer les malades”,  a-t-il énuméré. Seul le véhicule de liaison et coordination est utilisé pour des évacuations des malades vers Doba, chef-lieu de la province, comme c’est le cas en ce début de novembre 2022. En ce qui concerne le problème d’accessibilité des zones de responsabilité, Dr Madjingaye Kabo déplore que toutes les zones ne soient pas accessibles pour l’instant. Certaines, oui et d’autres, non. Il faut faire des détours très difficiles, soutient-il. Lorsqu’on évoque la disponibilité ou non des médicaments, “Vous avez touché du doigt le véritable problème. Quand un hôpital gère les réfugiés, la problématique devient  spécifique et particulière. Nous traitons gratuitement les réfugiés et l’Ong qui s’occupe du remboursement des frais met quelque fois plusieurs mois pour rembourser. Cela crée des difficultés dans l’approvisionnement des médicaments à la pharmacie. Au niveau de la pharmacie provinciale d’approvisionnement (Ppa) nous sommes surendettés. Or le médicament est la colonne vertébrale de l’hôpital”. Effectivement, un tour à la pharmacie de l’hôpital aux rayons largement vides confirme les propos du Mcd. Pour lui, quand une pharmacie n’a pas de médicaments les médecins et techniciens soignants ressentent cela durement. Surtout, lorsqu’on demande au parent d’un malade d’acheter à la pharmacie une seringue et que ce dernier revient vous dire qu’il n’y en a pas. Quant au problème récurrent de mauvais accueil des patients, son jugement est mitigé. “C’est quand vous passez un temps d’observation dans une structure sanitaire que vous allez vous rendre compte que la responsabilité est partagée”.

Pour l’instant, juge-t-il, le plateau technique acceptable, à cause des partenaires comme l’Unicef qui fournit des matériels, notamment les kits d’accouchement et l’Unfpa qui fournit des sages-femmes.

 

Les interventions clés de l’Unicef

La maternité dispose d’une salle d’attente et d’une autre d’accouchement avec deux lits. Morémem Chanceline, sage-femme diplômée d’état, surveillante générale de l’hôpital en poste depuis six mois, intervient également à la maternité. Le 9 novembre 2022 à 11 h 30 mn, elle est au chevet d’une femme en travail mais se rend disponible pour parler de son service. “La maternité n’était pas assez fréquentée parce qu’on n’avait pas de matériels. Mais depuis que l’Unicef nous en fournit, et que nous avons sensibilisé les femmes, le taux de fréquentation a augmenté à cause de la meilleure qualité des soins que les patients reçoivent. La fréquentation varie en fonction des périodes. Par exemple en septembre et avril, nous faisons beaucoup d’accouchements, autour de 60 à 70 par mois. Et l’accouchement est gratuit”, rassure-t-elle. Elle situe les difficultés au niveau du manque de médicaments de premiers soins pour les femmes qui viennent d’accoucher, et l’insuffisance du personnel, puisqu’elles ne sont que trois sages-femmes. Son souhait est de voir la maternité être approvisionnée en médicaments de premier soins, parce que lorsqu’une femme accouche et qu’il y a saignement, il est très difficile de l’arrêter, s’il n’y a pas d’antibiotiques. “La cause est que beaucoup de centres de santé réfèrent les femmes en travail avec un grand retard et quand il y a rupture utérine, dans certains cas, on tente de notre mieux de sauver la mère et l’enfant”.

Dr Kébféné Moundiré, spécialiste en santé maternelle, néonatale et infantile du bureau de zone sud de l’Unicef, éclaire sur les interventions clés au district de Goré. Il cite la vaccination avec la fourniture des vaccins et la chaîne de froid à l’hôpital ; le district et le centre de santé de Beureu qui ont bénéficié d’un appui technique pour l’élaboration de leur plan d’action annuel ; les réunions des plateformes au niveau des communautés dans le cadre de la gouvernance locale ; l’appui technique et financier à la formation des relais et agents de santé communautaire ; l’appui à la nutrition par la formation des femmes pour leur permettre de détecter dans les communautés les cas de malnutrition, afin de les référer ; l’appui du district par la fourniture des intrants (médicaments et aliments thérapeutiques) à l’hôpital et dans les centres de santé ; la prise en charge intégrée des maladies liées à l’enfance dans les milieux communautaires.

L’Unicef intervient également dans le domaine de Wash (eau, hygiène et assainissement), surtout dans les 10 unités nutritionnelles ambulatoires, en fournissant de l’eau de javel, savon, seau, etc. Ainsi que le domaine de la protection de l’enfance, avec la délivrance des actes de naissance dans les maternités dès l’accouchement de l’enfant, confirme Dr Madjingaye Kabo.

Roy Moussa envoyé spécial