Une rentrée administrative qui fait grimacer

L’administration éducative a repris le chemin des bureaux le 15 septembre en attendant les élèves qui, eux, reprendront le 1er octobre, conformément à l’arrêté du ministre de l’Education fixant le calendrier scolaire au titre de l’année scolaire 2020-2021.

Dans la plupart des établissements, l’heure est à la préparation de la rentrée scolaire. En leur sein, les  enseignants discutent de l’actualité scolaire : le passage systématique de tous les élèves en classe supérieure.

Pour l’heure, la plupart des établissements, surtout privés, attendent la fin du baccalauréat pour décider des mécanismes pour cette nouvelle rentrée. Mais déjà, la colère est visible contre le ministère en charge de l’éducation. Selon l’article 3 de l’arrêté n°256 les élèves des classes intermédiaires doivent reprendre un mois de cours de rattrapage en vue d’achever l’année scolaire précédente après quoi ils passeront tous en classe supérieure. Et que des cours de soutien doivent être organisés en dehors des horaires  réglementaires à l’intention des élèves présentant des contreperformances, afin de combler leurs lacunes.

Pour l’application de cet arrêté, trois courants se dessinent. Le premier regroupe ceux qui qualifient cette décision d’un désordre administratif. L’organisation des instituteurs pour l’appui à l’éducation donne le ton, en demandant au ministère de l’Education nationale et de la promotion civique de reconsidérer cette décision. Pour eux, “le passage automatique des élèves en classe supérieure après sept mois de rupture de cours est une approche purement  extra pédagogique et constitue une entorse grave aux principes fondamentaux de l’éducation contenus dans les programmes réactualisés de l’enseignement primaire au Tchad”. Aussi, demandent-ils au ministre Aboubakar Assidick Tchoroma de s’armer de courage pour affronter en face les vrais maux qui minent le système éducatif. Dans certains établissements privés, ils sont catégoriques sur l’application d’une telle décision qui serait suicidaire pour le système éducatif tchadien. “Nous ne pouvons pas encourager une telle décision. Nous avons déjà validé l’année-scolaire 2019-2020 par l’organisation des cours et composition du troisième trimestre dès le 1er septembre 2020. Les bulletins du 3ème trimestre sont déjà prêts et nous travaillons sur le mérite. L’élève qui est admis à passer, passera normalement. Celui appelé à redoubler, reprendra sans discussion. Le parent insatisfait du résultat de son enfant demandant le passage obligatoire de son enfant suite audit arrêté, est libre d’amener son enfant dans un autre établissement. Parce que le système éducatif va mal alors il faut que les parents et le gouvernement prennent conscience” rougit une enseignante d’un établissement privé. Un responsable d’une école religieuse nous retourne la question: “accepteriez-vous que votre enfant passe en classe supérieure avec une moyenne de 5/20?”. Pour lui, son établissement ne va pas prôner la médiocrité. Un censeur est allé un peu loin dans sa critique qualifiant d’un désordre administratif. “Cet arrêté est un désordre administratif qui, une fois de plus, témoigne la gravité de la situation que traverse notre système éducatif. Je crains pour l’avenir de ce pays”. Pour ce censeur, l’Etat a failli à sa mission depuis des années déjà.

Au lycée du Sacré cœur, le censeur informe qu’un travail a été fait en interne pour permettre de voir qui doit aller en classe supérieure ou non. Le deuxième groupe est celui du consensus. Pour éviter un bras de fer avec l’Etat et avec les parents, ils souhaitent un accord du parent de l’élève. “Nous allons tenir une assise avec les parents sur cet aspect, ils seront responsables du choix. Si cela dépendait de nous, les élèves doivent passer par ordre de mérite mais comme c’est une décision gouvernementale, nous allons décider de commun accord”, explique le censeur du lycée Hérédité. Même son de cloche dans certains établissements comme le collège Holy Flame ou Notre Dame. Le dernier courant est constitué des obéissants à la loi. Pour ces  écoles publiques, elles ne peuvent que se soumettre à la décision du gouvernement du fait qu’elles sont des établissements publics et qu’elles dépendent de l’Etat. “Nous ne pouvons nous rebeller face à cette décision parce que nous sommes sous les ordres de ce ministère même si au fond, il y a de quoi se plaindre” selon un proviseur.

Mbaïammadji A. Marlène,Stagiaire