Alors que l’autonomisation des femmes tchadiennes est dans l’air du temps, celles-ci sont réduites à vendre du carburant à la sauvette pour leur survie.
Débrouiller n’est pas voler dit une maxime. C’est ainsi que dans la nécessité de se prendre en charge, un nombre important de femmes, filles ainsi que des jeunes s’adonnent à la vente du carburant à la sauvette qui est devenue un nouveau phénomène depuis quelques temps. Une grande partie de la population en chômage trouve une source de subsistance dans cette contrebande d’essence. Selon nos informations, l’essence “frelatée” serait venue du Nigeria et du Cameroun, pays limitrophes du Tchad. Elle est vendue dans les carrefours à 300 francs le demi-litre, et 600 francs le litre.
Chaque matin une catégorie de femmes s’installe au bord des rues dans certains quartiers de la capitale tchadienne et dans les lieux publics pour vendre du carburant. Hadjé, marchande, qui mène cette activité comme son gagne-pain, confie: “il est bien vrai que ce commerce est risqué parce qu’on importe ce liquide de Kousséri, ville voisine du Cameroun, pour le revendre et quelque fois je viens dans les stations-service de la place pour m’en procurer. Car je n’ai rien d’autre à faire comme activité. Mais depuis que j’avais essayé ce domaine, celui-ci marche bien. Toutefois je prends des dispositions pour ne pas me faire arrêter par les forces de l’ordre”. Plus loin, une autre vendeuse d’environ 21 ans tenant en mains quelques bouteilles d’essence qu’elle propose à chaque passant qui s’approche, affirme: “je suis dans ce commerce depuis plus de 5 ans. J’ai d’abord commencé au Nigeria puis avec la guerre je suis venue m’installer ici au Tchad. Dieu merci, je peux vendre par jour au moins 10 à 15 litres ce qui me permet d’avoir 100 francs de bénéficepar litre vendu. Ce n’est pas mal”.
Plus cher que dans les stations-services
Le montant du carburant dans les coins et recoins des quartiers de N’Djaména est pourtant plus élevé que celui vendu dans les stations-service fixé à 518 francs CFA le litre. Mais un bon nombre de clients préfèrent faire la recette aux vendeurs à la sauvette que de s’approvisionner à la pompe. Jean et Kevin, tous deux clients des vendeuses à la sauvette, expliquent leur motivation à prendre du carburant vendu dans des bouteilles en route plutôt que de se rendre dans les stations-service. “J’achète souvent le carburant avec les vendeurs ambulants quand je suis coincé ou par exemple si je connais une panne sèche et que la station se trouve bien éloignée”. Ali Mahamat a par contre une autre explication: “prendre du carburant avec ces femmes vendeuses à la sauvette est une façon pour moi d’aider et d’encourager ces femmes et jeunes dans leur gagne-pain”.
Commerce illicite et dangereux
L’exposition du carburant sur la voie publique, faut-il rappeler est un commerce illicite, mais qui gagne une part non négligeable du marché des stations-service installés dans les quartiers. Une ampleur qui a atteint tout le périmètre urbain malgré l’interdiction liée à la vente du carburant à la sauvette selon la loi de la République dans son arrêté n°173/M/SG/2017. Bien plus, ce carburant peut provoquer des incendies aux contours très peu maîtrisables par nos sapeurs-pompiers qui agissent le plus souvent comme des médecins après la mort.
Koumatei Penabeye Lareine, stagiaire