Le gouvernement a beau nier, mais les faits sont là. Une tranchée qui en plus d’être symbole d’une guerre imminente, fait endurer à la population riveraine, des efforts considérables pour aller d’un côté à un autre. Elle est désormais privée du droit d’aller et venir, surtout les enfants qui vont à l’école
“Ce n’est pas une tranchée, mais c’est un canal”, avait répondu le ministre de la sécurité publique et de l’immigration, Souleymane Abakar Adoum aux journalistes lors d’une conférence de presse conjointement animée avec ses collègues de la justice et celui de la communication. De qui se moque-t-on ? Un canal pour drainer l’eau pour les cultures maraichères ou pour arroser la ceinture verte disait-il. On voudrait bien lui demander où est ce terrain pour faire la culture maraichère puisque tout au tour de ce canal comme il l’appelle, ce sont des habitations, écoles, centres de santé, etc. Le canal ne débouche pas sur le fleuve Chari, ou bien c’est pour drainer les eaux de pluie ? Ce canal est entrecoupé par des habitations. Puisque depuis 2008, beaucoup de personnes ont construit et habitent sur leur terrain traversé par le canal. Alors est-ce qu’on peut drainer les eaux du moment où la voix est entrecoupée ? Et pourquoi le faire sur les traces de l’ancienne tranchée creusée par Déby pour combattre les rebelles ? Ces questions ne font que confirmer le mensonge du gouvernement qui se croit malin et intelligent au point d’insulter l’intelligence des tchadiens. Depuis septembre, le gouvernement tergiverse et ne fait que mentir. Au début, le porte-parole du gouvernement disait que le gouvernement n’est même pas au courant des travaux d’une quelconque tranchée, ensuite que c’est la mairie qui le fait. En face des journalistes, il ment à nouveau pour dire que c’est pour permettre à la population riveraine de pratiquer la culture maraichère et arroser la ceinture verte. Quel mensonge au sommet de l’Etat !
Possibilité qu’il sorte un autre mensonge surtout avec les images des enfants qui font des kilomètres avant d’atteindre leur école, montent et descendent difficilement dans ce trou de honte publiées partout sur les réseaux sociaux. Avant que les rebelles n’arrivent, c’est la population riveraine qui subit les méfaits et risque-t-elle aussi de se rebeller. Puisque la tranchée est creusée sans laisser de passage à ceux qui habitent au-delà. “Je sors le matin, je vais au boulot, je ramasse mes enfants pour les déposer à l’école. Tel que c’est fait, comment je vais me déplacer ? On a un centre de santé qui est tout juste à côté, maintenant pour y aller en cas d’urgence, le malade peut mourir parce qu’il faut contourner à des kilomètres”, se plaint Yoasngar sylvain.
Pas de passage.
Lors du creusage d’une grande voix (prolongement de l’avenue du 10 octobre), les usagers de cette route se sont mobilisés pour empêcher les travaux. Peine perdue, les hommes en treillis ont aussi été massivement déployés. La route est belle entrecoupée par la tranchée. Une dame ayant assistée à la scène est très remontée. “Que tous les fonctionnaires de l’État, qui sont de l’autre côté de la tranchée n’aillent pas au boulot. Comment peut-on aller au boulot sans la route. Autrement on nous demande de rester à la maison”, interprète-t-elle. A défaut d’avoir empêcher l’incendie, il faut être pompier. La population s’organise pour une lutte acharnée contre la tranchée avec l’aide des avocats. “Cette tranchée est le symbole de l’injustice, l’expression du mépris et nous ne devons pas l’admettre parce qu’elle viole nos droits d’aller et de venir. Si ça n’aboutit pas à la justice, nous allons nous mobiliser pour la fermée”, se rebelle le porte-parole des victimes.
Avec l’engagement du Secrétaire national du parti “Un nouveau jour”, Nasra Djimasngar, un collectif d’avocats est constitué de Me Clarisse Nomaye, Me Max Loalngar, et Me Alain. Le collectif d’avocats a déjà déposé le 23 novembre, une requête auprès du président du tribunal de grande instance de N’Djaména pour l’obtention d’une ordonnance devant obliger les autorités à construire en urgence, dans un premier temps, une passerelle sur les anciennes pistes qui permettaient à la population de se déplacer. Et aussi d’obtenir la fermeture définitive de la tranchée toute entière qui est une urgence au vu des dégâts et des risques qu’elle représente et ce, avant la fin de la saison sèche. “Lorsqu’il va commencer à pleuvoir, l’eau va remplir ce trou, les maisons situées à 10, 20 mètres vont s’écrouler. Et en pleine saison de pluie, des familles n’auront pas de logement. Les enfants y mourront par noyade”, s’inquiète Nasra Djimasngar.
Le 23 novembre, il s’est rendu à Ambatta avec les avocats pour faire le compte rendu-rendu de l’évolution du dossier à la population. Pour le recensement des victimes, Nasra informe que pour l’instant, plus 1600 personnes sont enregistrées. Pour lui, c’est un combat qui mérite d’être menée. S’adressant aux riverains, il interroge “Est-ce que vous avez besoin de labourer des champs dans vos maisons ? Est-ce que vous avez besoin d’élever des poissons dans ce marigot? (ils répondent en chœur, non !!!). Nous voulons des logements, que nos enfants aillent à l’école, que nos femmes aillent aux marchés, que les hommes puissent aller travailler, qu’on puisse aller se soigner rapidement en cas d’urgence. Si on voulait cultiver, on serait resté au village”, poursuit Nasra Djimasngar.
Une indemnisation des victimes de cette tranchée pour les préjudices subis sera aussi envisagée par les avocats. Si l’ordonnance est obtenue, dans deux semaines, les “exclus” de N’Djaména vont pouvoir circuler à condition que le gouvernement ne fait pas obstruction.
Lanka Daba Armel