“Bus ou rien”, scandent les étudiants

Sous encadrement policier, ce qui est une première du genre à N’Djaména, les étudiants ont effectué une marche pacifique du quartier Gassi à la faculté d’Ardep-Djoumal. Une protestation contre le manque criard des bus de transport.

En dépit des cris d’alarme, le manque des bus de transport des étudiants devient chaque jour de plus en plus pernicieux. “Bus ou rien! Trop c’est trop! …”, ont scandé et brandi sur des affiches de fortune les manifestants, le 19 février, lors de leur marche pacifique. Une marche pacifique accompagnée des sifflets et surtout sans heurts avec les forces de l’ordre. Celles-ci ont accompagné les étudiants le long de leur itinéraire, de l’Assemblée nationale à la faculté d’Ardep-Djoumal. Une fois n’est pas coutume, les deux habituels ennemis jurés que sont les étudiants et policiers ont cohabité en bons amis pendant cette marche. Et pour une fois aussi, les étudiants ont marché sans faire des débordements. Ils se sont plutôt conduits en de bons citoyens, saluant au passage le public qui les a encouragés le long de leur chemin par des applaudissements et en levant les bras en signe de soutien.

Arrivés au campus, les manifestants ont été accueillis par leurs camarades déjà en place. Ils ont brûlé un pneu et ont tenté de rencontrer le directeur général du Cnou, en vain. Finalement, ils ont décidé à se disperser.

Cette marche a été l’initiative des étudiants des facultés d’Ardep-Doumal et des Sciences appliquées de Farcha résidant dans les quartiers Est de N’Djaména que sont Gassi, Atrone, Habena, … qui se disent outrés, non seulement parce qu’on ne leur affecte que deux bus mais aussi par le retard continuel que ceux-ci accusent.

Ce mercredi matin, alors que les étudiants réunis en grand nombre attendent à leur habituel point de ramassage, deux bus arrivent à l’un des points de Gassi. C’est en ce moment que les étudiants ont unanimement décidé de ne pas embarquer, mais marcher jusqu’au parking de l’université sis à Ardep-Djoumal. A vide, les deux bus ont limité leur vitesse. Ils ont accompagné le rythme de la marche des étudiants. “Regardez ce nombre, comment les deux bus peuvent nous contenir? Nous avons décidé de marcher pour que tout le monde, surtout les autorités voient dans quelles conditions nous étudions. Et avec ça, les gens disent que les étudiants tchadiens sont mieux traités! Nous allons continuer à marcher jusqu’à ce que notre situation change”, prévient un étudiant d’un ton fougueux. “D’abord les bus partent nous chercher avec retard. Nous qui sommes à Farcha, les chauffeurs nous laissent à Ardep-Djoumal. Ils font deux à trois tours d’abord avant de nous ramener à Farcha. On arrive souvent aux cours avec retard même quand on a les sessions ou les contrôles continus. Nos conditions d’études sont pires”, s’emporte un autre étudiant en 2ème année de science biologie. Un vécu exaspérant pour ces étudiants.

L’insuffisance numérique des bus ne date pas d’aujourd’hui. Depuis bientôt trois années, les étudiants usent d’“autostop” pour se rendre dans leurs différentes facultés.

 

Bus usés, pléthore d’étudiants

Le superviseur du parc autos estudiantin, Mahamat Abakar reconnaît que la ligne de Gassi est celle qui compte plus d’étudiants. Il comprend, dit-il, les étudiants mais s’avoue dépasser par la situation. “En septembre, le Centre national des œuvres universitaires (Cenou) a réparé 24 des 37 bus que compte le parc. L’objectif était d’avoir au moins 30 bus opérationnels. Mais certaines pièces ne sont pas arrivées. En plus, les bus sont vétustes. Ce qui fait que nous connaissons des pannes intempestives. Ces bus étaient déjà utilisés quand ils sont arrivés en 2012”, explique-t-il. Actuellement, le parc couvre 20 lignes avec seulement 19 bus fonctionnels même si son superviseur estime que trois bus seront bientôt remis sur pied. Les mécaniciens se sont mis au travail le jour de la marche des étudiants. La capacité normale d’un bus est de 50 étudiants avec une marge de 5 personnes. Mais actuellement, un bus charge entre 150 et 170 étudiants. Plus du triple de la capacité normale, relève Mahamat Abakar. Chaque étudiant paie le ticket de bus à 50 francs. Ce qui lui revient à 100 francs FCFA l’aller-retour par jour.

D’après les statistiques du service informatique du rectorat, l’université de N’Djaména a enregistré au titre de l’année académique 2019-2020, 8025 étudiants.  3910 à Toukra, 2537 à Ardep-Djoumal et 1578 Farcha. Sans compter les nouveaux étudiants de l’Ecole Normale supérieure (Ens) et ceux de la Faculté de médecine de Gardolé. Pour l’année académique 2018-2019, l’Université de N’Djaména comptait 16.143 étudiants. Au vu de ces chiffres, on peut estimer à plus de 24.000 le total des effectifs d’étudiants dans les différentes facultés. Et pour ce beau monde, il faut au moins 70 bus pour satisfaire son transport, estime le superviseur de parc.

Lanka Daba Armel, stagiaire