C’est l’unique option pour relever le football tchadien à l’agonie, propose l’ancien footballeur et président de l’association “Sauvons notre football”, Abakar Hunwanou à travers cet entretien sans détour, accordé à N’Djaména Hebdo.
Que faut-il dire du football tchadien, sans langue de bois ?
Le football tchadien va mal et tout ce que nous sommes en train de vivre, c’est le fait qu’il n’y a pas un bureau exécutif de la fédération, ce qui entraîne cette catastrophe au niveau de la communauté de football, avec l’absence de résultats, le manque d’organisation, des crises entre les dirigeants, et toute cette panoplie de problèmes. Tant qu’on n’aura pas mis en place rapidement un conseil exécutif de la fédération, rien ne peut s’organiser dans les règles de l’art. Pour cela, il faudrait que les gens essayent de converger leurs idées, d’oublier toutes les querelles du passé au niveau de la communauté de football. Comme on le dit, le football c’est le fair-play, donc il faut revenir à de meilleurs sentiments, et converger vers la mise en place d’un bureau exécutif qui sera chargé d’organiser le football, pour que le Tchad intègre le concert des nations.
Je souhaite que le football tchadien puisse se développer à partir de la base, et qu’on réhabilite l’école de football de Milézi, afin qu’elle abrite des pensionnaires pour déceler des vrais talents sur une durée de 10 ans. Le développement du football incombe à la Fédération, à travers la direction technique nationale qui a pour rôle de développer le football à la base, à partir du programme du bureau exécutif du président élu. C’est à partir de ce programme, qui tient compte de la ligne directrice de la politique de football au niveau du pays. Le centre de formation de Milézi, créé depuis 2011 sur le fonds de la Fédération internationale de football association (Fifa) a pour objectif de réunir, détecter des talents de différentes catégories (U13, U15, U17 et U23) qui doivent être pensionnaires. Malheureusement, depuis 2011, il n’y a pas de pensionnaires, mais en 2014, il y avait une structure qui a mis en place des pensionnaires d’U17 et cela n’a pas duré. Ils ont remplacé plusieurs directeurs techniques, plusieurs directeurs de centres de formation, mais rien. Et pour le moment, le centre ne sert plus à rien, puisque les dortoirs sont devenus des camps de passage, sauf le terrain qui est utilisé par la ligue pour les championnats. Le directeur du centre est là sans budget et le centre qui est chargé de former les jeunes ne joue pas son rôle parce que la fédération est en crise. Pour espérer avoir une bonne équipe, il faut détecter les talents avec une vision sur une périodicité de 10 à 15 ans, en organisant à partir des centres de formation pour bâtir des équipes nationales de différentes catégories, les jauger à travers des compétitions sous régionales, des championnats continentaux, etc. Pour espérer avoir la possibilité de se qualifier à la Can peut-être dans 10 à 15 ans plus tard. C’est à ce prix que nous allons peut-être participer à la Can.
Quelle lecture faites-vous de la contreperformance des Sao lors des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations (Can) de 2025 au Maroc ?
Le Tchad a joué 6 matchs sans victoire, parce qu’il y a une carence factuelle à l’attaque. Nous n’avons pas d’attaquant qui puisse marquer des buts et quand il n’y a pas de but, il n’y a pas de victoire ainsi que la qualification. Les qualifications se jouent dans les préliminaires qui permettent à chaque équipe de gagner des matchs, pour être retenue parmi les deux premières qualifiées par groupe. Sur les six matchs joués, nous avons plus encaissé de buts pour nous retrouver dernier de notre groupe. Nous n’avons pas une équipe nationale qui puisse vraiment répondre aux exigences de l’heure. Il n’y a pas d’attaquants, au milieu de terrain, ça ne marche pas, la défense a quand même limité les dégâts, mais quand on veut une qualification, il faut marquer des buts. Et c’est ça le problème de l’équipe nationale. Il faut réorganiser, restructurer l’équipe nationale en repartant à la base, c’est-à-dire vers les centres de formation pour asseoir une équipe nationale, afin d’avoir des résultats. Sinon actuellement, l’ossature de l’équipe nationale ne lui permet pas d’aller plus loin. Nous allons toujours pécher par l’impréparation, le manque de regroupement, le manque de matchs amicaux ; il n’y a pas d’organisation, pas de fonds, etc.
Le ministre des sports demande d’accorder un temps à l’entraîneur Kevin Nicaise pour reconstituer l’équipe nationale…
Il faudrait qu’on comprenne une chose. Un sélectionneur de l’équipe nationale, c’est quelqu’un qui doit avoir beaucoup d’expériences, et faire preuve d’une qualification requise à travers sa profession d’entraîneur, avant d’entraîner une équipe nationale. Beaucoup pensent que Kevin Nicaise peut faire quelque chose mais non ! Il n’a pas la capacité de diriger une équipe nationale. Je le dis et pèse mes mots, parce qu’il a été un joueur dans l’équipe nationale, et a aussitôt raccroché en 2021. En 2023, il est devenu entraîneur de l’équipe nationale, alors que nous n’avons pas vu ses qualifications au niveau de la Belgique au haut niveau. Il était plutôt dans le staff d’une équipe royale, mais n’a pas entraîné comme titulaire au haut niveau, c’est à dire en ligue 1. Pour moi, je crois qu’il n’est pas à la hauteur, et même les joueurs sélectionnés non pas de talents. En ce moment, il n’y a pas de joueurs qu’il faut, donc, il n’est pas question de reconduire cet entraîneur, qui n’a pas de résultats. Et quand il n’y a pas de résultats, quelle que soit la qualité de l’entraîneur, il doit jeter l’éponge. On doit repartir à la base avec des entraîneurs locaux, puis on se donne du temps pour reconstruire et institutionaliser l’équipe nationale. Il ne sert à rien d’aller très vite en besogne. Qu’on prenne le temps d’organiser les équipes dans les différentes catégories, pour asseoir une équipe nationale dans la durée. Pour moi, quand il n’y a pas de résultats, il n’y a pas de compétences et on ne peut pas garder une équipe qui qui ne donne pas de résultats. Mouandilmadji Marius ayant compris qu’il n’y a pas de résultats, a décidé de partir. C’est pourquoi il ne faut pas se voiler la face. Le staff technique et l’entraîneur ne nous ont pas rendu service. Il faut qu’ils démissionnent.
Les supporters revendiquent le retour de l’attaquant Ngar Ézéchiel dans la sélection, mais cela n’a pas eu d’échos favorables. Votre avis…
J’étais de ceux qui ont revendiqué Ngar. Constatant une carence factuelle au niveau de l’attaque et le manque de but, nous avions dit qu’il faut un joker, un joueur qui puisse faire l’affaire, un attaquant tueur comme on le dit (il peut à tout moment marquer des buts). Parce que nous partons pour la qualification, nous devons marquer des buts pour être qualifiés. C’est pourquoi nous l’avons sollicité, mais l’entraîneur n’a pas fait cas. Même s’il joue en Indonésie en deuxième division dans un championnat qui n’a pas beaucoup de matchs, il marque tout le temps des buts. L’entraîneur devrait le faire revenir et le tester, mais rien. Pour sélectionner, il faut d’abord se baser sur la statistique des joueurs. Il y a des joueurs sélectionnables et d’autres non, puisqu’il faut jouer dans un club et montrer sa capacité à jouer pour disposer des statistiques. Par exemple, un gardien qui empêche les buts d’entrer, un attaquant qui marque beaucoup de buts, un milieu de terrain qui fait des passes décisives, voilà les éléments des statistiques qui puissent permettre à un entraîneur de sélectionner un bon joueur qui a de bonnes qualités techniques, tactiques et physiques, mais cela ne se fait pas au bout de son Android. Ils sont tous à l’étranger, ils font des cooptations par-ci par-là, ça ne peut pas marcher.
Que pensez-vous de la guéguerre qui a cours à la Fédération tchadienne de football ?
La Fédération a été suspendue de 2016 à nos jours. Il y a eu dans un premier temps un Comité national de gestion de football mis en place dirigé par Japhet N’Doram comme président et moi parmi les vice-présidents. Malheureusement, la Fifa a considéré que c’était une ingérence de l’État, donc il y a eu un décret qui a suspendu le comité et rétabli la fédération. Cela n’a pas marché parce qu’il avait une guéguerre au sein de la Fédération. Entre les dirigeants, il y avait des problèmes de conflits d’intérêts, des malversations de fonds, d’opacité dans la gestion et la Fifa a finalement mis en place un Comité de normalisation, avec l’objectif de réviser les textes et mettre en place un nouveau bureau exécutif de la Fédération, ce qui depuis lors, n’a pas marché jusqu’aujourd’hui.
Je pense qu’avec la dernière mise en place des commissions spécialisées, qui auront la charge d’organiser les élections d’ici bientôt, on aura un comité exécutif et puis tout va rentrer dans l’ordre. Pour notre association Sauvons notre football, le candidat idéal c’est quelqu’un de bonne moralité, intègre, compétent qui puisse vraiment réunir autour de lui, des membres aussi compétents pour pouvoir gérer le football tchadien. Le football tchadien a besoin du sang neuf, mais pas des hommes fourbes pour qu’il n’y ait pas de suite, mais plutôt des problèmes de conflit d’intérêt. Des dirigeants qui aiment le football et non l’argent du football. Il faut donner la chance aux personnes de bonne volonté, qui ont l’amour de développer le football et non des gens qui viennent pour l’argent de football, des gens qui doivent mettre des moyens avec un programme bien étoffé, qui prend en compte le développement de football à la base, du football des jeunes, du football féminin, du football d’élite. C’est ce genre de programme que le Tchad a besoin. Nous n’avons plus besoin des programmes qui sont axés seulement sur les détournements de fonds de la Fifa et de la Caf.
Entretien réalisé par Modeh Boy Tresor