Le 9 décembre 2024 reste la date où le Conseil national de transition (Cnt) a adopté une Résolution (la dernière ?) portant élévation à la dignité de Maréchal, le Général d’armée Mahamat Idriss Déby Itno, président de la République du Tchad. Jacques Haroun Kabadi au perchoir de l’hémicycle depuis 13 ans, de 2011 à 2024, est satisfait de son séjour. Il a annoncé la fin de son épisode d’activités électives.
Jacques l’a fait, à travers un discours d’au revoir pathétique, dans un hémicycle devenu silencieux comme une tombe. Entre mea culpa, confession et révélation pour dire son histoire (en partie ?) d’homme politique pour la postérité. Un homme, qualifié de véritable résilient politique par un observateur de la scène politique, qui est revenu après six mois d’évacuation sanitaire, pour quitter le perchoir. Echéances législatives, provinciales et municipales du 29 décembre 2024 obligent, pour le retour à l’ordre constitutionnel.
“La séance qui se termine aujourd’hui, est l’une des dernières, mais elle a une signification profonde pour nous autres conseillers nationaux. Nous avons passé énormément de temps ici, pour soutenir le gouvernement à réaliser l’ensemble des résolutions et recommandations du Dialogue national inclusif et souverain (Dnis)”. Comme hauts faits d’armes, le président du Conseil national de transition égrène le vote du projet de constitution ayant permis le référendum constitutionnel du 17 décembre 2023, l’organisation de l’élection présidentielle, qui a vu la victoire contestée de Mahamat Déby Itno le 6 mai 2024, ainsi que l’organisation de la mise en œuvre du processus électoral, qui va se dérouler d’ici le 29 décembre 2024. Tout cela, a-t-il dit, pour revenir à un ordre constitutionnel qui permettra la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale, des nouvelles Assemblées provinciales et communales, mais également du Sénat.
“Pour ceux qui auront la chance de pouvoir être élus par le peuple tchadien, je leur souhaite beaucoup de courage, puisqu’ils reviendront ici, pour continuer la 4e législature, et sûrement continuer à aider le gouvernement à faire son travail non seulement de la mise en œuvre des recommandations et résolutions du Dnis, mais à mettre en œuvre tout ce que le président voudrait achever dans son projet de société. Je souhaite aux futurs députés, de pouvoir se donner à fond, pour qu’aussi bien au niveau national qu’international, vous puissiez acquérir toute l’expérience nécessaire, qui vous permettra également d’aider votre pays, et d’aider votre région”, leur a-t-il souhaité. Pour ceux qui n’ont pas la chance d’être retenus pour briguer les élections législatives, provinciales ou communales, il leur souhaite une bonne mission, puisque la République est large, et qu’ils auront sûrement beaucoup de choses à faire encore pour ce pays, espère-t-il, très condescendant. Jacques Haroun Kabadi félicite ses collègues pour leur compréhension, engagement et “le travail bien fait pendant toutes ces années”. Il estime que sans leur apport, le gouvernement n’allait pas pouvoir travailler comme il se doit. “Vous avez reconnu le travail fait par d’autres, par son Excellence le président de la République, des efforts ont été faits évidemment par votre collègue, Dr Haroun Kabadi que je suis, vous avez fait énormément pour que ce pays soit stable (…)”, embaume-t-il l’hémicycle.
100 lois adoptées par des “choisis”
Si les comptes sont exacts, sans entrer dans la nature des textes examinés en plénière, entre septembre 2021 et décembre 2024 qu’aura duré le Conseil national de transition (Cnt) avec ses pensionnaires “choisis” arrivés par vague successive, pour reprendre Jacques Kabadi lui-même, qui aura réussi la prouesse de faire adopter les 100 lois et trois Résolutions. “(…) En vous choisissant, le Président était sûr que ce travail allait être fait (…)”, les a-t-il encensés. Il quitte l’Assemblée nationale, poursuit-il, en ayant fait de son mieux, pour essayer de l’organiser et la faire fonctionner. Si les conseillers nationaux ont sûrement constaté des injustices, des inefficacités, ou des choses qui devraient être faites et qui ne l’ont pas été, il leur rappelle qu’il n’est qu’un homme. Avec ses faiblesses comme ses points forts. Et s’il a mal fait, il s’excuse. S’il a moyennement fait, alors il se dit heureux. Mais s’il a eu à frustrer certains de ses collègues, il leur présente ses excuses. “Puisque nous sommes au Tchad, nous aurons encore l’occasion de nous retrouver dans d’autres sphères, que ce soit politique, administrative, socio et autres. Si je vous ai très mal parlé, si j’ai été impoli vis-à-vis de vous, si pour d’autres raisons, je n’ai pas répondu à certains de vos préoccupations ou vos appels, c’est parce que je n’avais pas la possibilité. Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir de ce que nous avons accompli ensemble, en tant que conseillers nationaux”, avance-t-il, sans se fermer les portes de la retraite politique.
Pour avoir au moins servi pendant 14 ans à l’hémicycle, Dr Haroun Kabadi relève que cela a été une très belle expérience pour sa personne. Parce que, il n’était pas de ceux-là qui voulaient venir réellement à l’Assemblée comme député, révèle-t-il. “C’est le Maréchal du Tchad Idriss Déby Itno, Président de la République, qui avait souhaité que je me présente aux élections législatives. C’est vrai, mais comme on le dit, parfois ce que vous voulez, Dieu ne va pas vous donner. Mais ce que vous ne voulez pas, Dieu va vous donner et ça va vous servir, pour le reste de votre vie. Je ne savais pas que je serais même Président de l’Assemblée, puisqu’en son temps j’étais le secrétaire général du parti Mps. La seule chose que je pouvais espérer, c’était d’être le président du groupe parlementaire Mps. Pour différentes raisons que je ne connais pas moi-même, j’ai été élu président de l’Assemblée nationale”. Sa trajectoire, dit-il, a consisté à travailler dans le gouvernement et dans les grandes entreprises de ce pays. C’est grâce à cette expérience internationale, estime-t-il, qu’il a tiré sa sagesse.
Un flot de remerciements débités à l’endroit de tous les membres du bureau, des présidents des groupes parlementaires, des présidents des commissions, du président du comité d’évaluation des politiques publiques, ainsi qu’à d’autres membres de cette institution qui ont travaillé pendant toutes cette période, et “qui m’ont aidé pendant la période difficile, que j’ai connue. Je finis ma mission ici au Conseil national de transition avec quelque chose qui me paraît de plus ultime. Au moins dire à Mahamat Idriss Déby Itno, merci pour tout ce que tu as fait, mais surtout pour toute la compréhension morale qu’il a eue vis-à-vis de ma personne”. Ainsi sont tirés les rideaux !
Mais évacué sur une chaise roulante, Jacques Kabadi est revenu six mois après pour ces derniers moments au perchoir de l’hémicycle, en s’appuyant sur des béquilles. Tel un sphinx qui renaît de ses cendres, doit-on s’attendre à le voir rebondir pour une 3e vie politique ? Ou est-ce la fin de l’épisode ?
Roy Moussa