L’ancien restaurant le Selesao Lounge situé au quartier Sabangali, s’est mué en galerie d’art dénommé “Kei Kor” entendez “La maison du forgeron” en langue Ngambaye du sud du Tchad. La cérémonie d’ouverture a eu lieu le vendredi 18 octobre 2024, devant un public bigarré, composé d’expatriés et des tchadiens.
Deux salles climatisées contiennent près d’une cinquantaine de chefs-d’œuvre, composés des tableaux en grande partie réalisés avec des couleurs froides, à base des matériaux allant du papier recyclé au fil de laine, des soupçons de matières plastiques, peintures, divers ingrédients qui ont contribué à la réalisation des tableaux, et surtout quelques objets déclinés en utilitaires sous forme de mobiliers, notamment tablette, chaise, banquette et armoire à deux battants, au design impressionnant. Ces utilitaires sont fabriqués à base des douilles des balles d’armes à feu de divers calibres. Ce qui détonne et interroge sur le choix de ces matériaux pas usuels dans l’environnement de l’art plastique tchadien. Lorsqu’on accède dans la cour, il suffit de suivre l’allée pavée jusqu’à la première entrée du bâtiment à droite, pour découvrir une partie de ces chefs-d’œuvre, au nombre de 12 au total, accrochés au mur de l’ancien restaurant bar. Puis, on en ressort pour aller vers la 2e salle qui, elle, contient près d’une trentaine d’œuvres. Dans les deux salles, on trouve des motifs et thèmes surprenants, qui procurent des sensations diverses. Il y va de la scène de la vie quotidienne urbaine et rurale, aux divers paysages environnementaux, en passant par l’art naïf au portrait, etc.
Une fois visité les deux salles, l’on peut ressortir et s’asseoir dans la cour verdoyante où un espace est réservé pour accueillir les visiteurs, qui voudraient bien échanger, discuter autour de ces œuvres d’art, en partageant un pot ou une collation. Le cadre s’y prête à merveille et épouse cette initiative de l’association culturelle “Knock on Art”, inspiré et impulsé par le plasticien et peintre tchadien Apollinaire, plus connu sous le nom d’artiste de “Doff”, qui est également la signature de ses œuvres.
Oser une folie positive
C’est en présence des partenaires de mise en œuvre, notamment l’Ambassade de France au Tchad et d’invités de marque, que Ricardo Nanadoumngar Labe, le célèbre animateur culturel qui a modéré la cérémonie d’ouverture, a parlé d’une folie positive de cette initiative. L’on ne peut qu’être d’accord dès lors qu’on sait que les tchadiens n’ont généralement pas la culture de la lecture des images. L’exemple que l’on peut donner, c’est que dans un passé récent, un ancien ministre de la culture, invité lors d’un vernissage, a confondu dessin et peinture. Or le plasticien et peintre tchadien Apollinaire “Doff”, est un des rares artistes tchadiens de renommée internationale, qui expose à l’international. Normal que son rêve s’apparente à une folie, mais il faut bien que le véritable Tchad des arts et de la culture s’ouvre à l’international aussi. C’est le sens que l’on peut donner à cette première grande initiative tchadienne. “Nous sommes au cœur d’un évènement privé exceptionnel, qui a pour objectif de rappeler à chacun, que dans un pays normal avec des gens normaux et une démocratie normale, il existe ce qu’on appelle la culture. Ce qui nous manque dans notre pays. Se rencontrer entre humain de quelque origine que ce soit est ce qu’il faut, pour que les cultures se croisent. C’est pourquoi, je disais que Doff incarne la folie positive de réunir tout le monde autour de la culture”, a rappelé Ricardo.
Tendre la main pour avancer
Jean Gozzo, l’administrateur de l’association culturelle “Knock on Art” s’est réjoui de présenter la vision de l’association. “Doff est une marque qui mérite d’être accompagnée, c’est pourquoi, nous avons commencé ce voyage ensemble depuis l’année dernière. Nous avons accueilli cinq jeunes talentueux (3 garçons et deux filles) dont les œuvres accompagnent celles de Doff, après la résidence de création au sein de l’Ambassade de France, et qui nourrissent aussi l’ambition de devenir des Doff. Ces jeunes représentent le résultat de deux ans de sacrifice consentis par Doff et l’équipe”, a informé Jean Gozzo, qui a ajouté que l’ouverture de la galerie lance également la résidence de création 2024-2025. Celle-ci va réunir 10 autres jeunes artistes confirmés qui se sont déjà manifestés et qui veulent intégrer la vision de l’association, qui est d’impacter l’art et la culture tchadiens, à travers le creuset que représente l’association.
Apollinaire Doff quant à lui, annonce que sa vision est très simple : “Ici au Tchad, nous avons beaucoup de jeunes artistes, et comme j’ai une influence positive dans le domaine de l’art plastique, je me suis dit pourquoi ne pas tenir la main aux jeunes artistes, puisqu’à un moment donné, on m’a aussi tenu la main. Voilà pourquoi nous avons créé l’association “Knock on Art” et nous œuvrons depuis 2020”.
Une galerie à visiter et à découvrir…
Roy Moussa