En réaction au communiqué officiel du gouvernement daté du 22 mai 2025, rejetant la venue des avocats français au Tchad, l’Ordre des avocats du Tchad a rendu public le sien le 23 mai 2025, pour déplorer celui du pouvoir.
Le conseil de l’Ordre des avocats du Tchad exprime sa vive préoccupation, en réaction au communiqué du gouvernement, relatif à l’arrivée d’un collectif d’avocats étrangers dans l’exercice de leur ministère d’avocats. “ (…) Comme dispose l’article 33 alinéa 1 de la loi 033 du 5 novembre 1996, portant création et organisation de la profession d’avocat, [la profession d’avocat est une profession libérale et indépendante]”, relève le communiqué à son entame.
Le communiqué du barreau précise que le Code de procédure pénale du 14 juillet 2017 qui traite dans son chapitre II de l’organisation des droits de la défense et de l’assistance des parties civiles, indique clairement en son article 50 que “L’officier de Police judiciaire, lors de la première audition de toute personne soupçonnée d’avoir commis un crime ou un délit, doit l’avertir de son droit de choisir un défenseur parmi les avocats inscrits au barreau du Tchad ou de tout autre pays, reconnaissant la réciprocité de l’intervention des avocats ou toute autre personne de son choix, sous réserve des dispositions légales en vigueur, …”. A ce jour, ajoute le communiqué, aucune disposition légale en vigueur ne formule une interdiction et les avocats peuvent se constituer à toute étape de la procédure.
Le barreau du Tchad, à travers son communiqué, rappelle solennellement que la défense est un droit fondamental, universel, garanti par les textes internationaux auxquels le Tchad a librement souscrit, au premier rang desquels figurent la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et les Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés par les Nations unies en 1990. Ces textes reconnaissent expressément le droit pour tout justiciable d’être assisté par un avocat de son choix, y compris lorsqu’il s’agit d’un avocat étranger qui a pour obligation de se conformer aux règles qui régissent la profession dans le pays. Dans le cas du Tchad, il y a la loi 033 et le règlement intérieur du 17 mars 1997. “Le règlement intérieur du barreau dans ses dispositions sur les rapports avec les confrères, accorde, en son article 65, lors des audiences, une priorité aux dossiers des confrères venus de l’étranger ; l’article 66 dit que l’avocat “peut sous réserve du respect des règles de droit en la matière, autoriser un confrère étranger à consulter en son cabinet”. Et les articles 71 et 72 du règlement intérieur font aussi référence du confrère étranger.
Quid de la réciprocité entre avocats tchadiens et français ?
Le communiqué informe qu’en ce qui concerne les avocats tchadiens et français, l’article 27 de l’Accord en matière judiciaire entre le gouvernement de la République française et celui de la République du Tchad du 6 mars 1976, indique sans ambages que “Les avocats inscrits aux barreaux français peuvent assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions tchadiennes tant au cours des mesures d’instruction qu’à l’audience, dans les mêmes conditions que les avocats inscrits aux barreaux tchadiens. A titre de réciprocité, les avocats inscrits aux barreaux tchadiens peuvent assister ou représenter les parties devant toutes les juridictions françaises, tant au cours des mesures d’instruction qu’à l’audience, dans les mêmes conditions que les avocats inscrits aux barreaux français. Toutefois, l’avocat qui use de la faculté d’assister ou de représenter les parties devant une juridiction de l’autre Etat, doit, pour la réception de toutes notifications prévues par la loi, faire élection de domicile chez un avocat dudit Etat”.
Au regard de ce qui précède, poursuit le communiqué, les avocats tchadiens ont eu à gérer des procédures devant les juridictions françaises avec leurs confrères français et vice-versa, y compris l’Etat tchadien qui fait régulièrement recours aux avocats français, pour des conseils juridiques et dans les contentieux judiciaires, quelques fois sans implication même des tchadiens avocats-conventionnés de l’Etat tchadien. Et les exemples sont légion. De façon claire, l’Ordre des avocats du Tchad estime que “la constitution d’un avocat étranger soit-il, n’a aucune incidence sur la souveraineté du pays, sur l’indépendance de la justice tchadienne. Cela ne constitue en rien une quelconque ingérence car, chacune des parties au procès (inculpé tout comme partie civile) peut constituer autant d’avocats qu’il souhaite, y compris étrangers qui doivent simplement remplir la condition de réciprocité et se conformer aux règles qui régissent la profession dans le pays”. Le bâtonnier, président du Conseil de l’ordre, Me Djérandi Laguerre Dionro ajoute qu’en tout état de cause, ce sont les juges tchadiens qui doivent en toute indépendance rendre une décision lorsqu’ils sont saisis, et que le barreau insiste sur les garanties d’un procès équitable, notamment le droit sacré de la défense ainsi que le libre choix de son avocat. “Le barreau du Tchad rappelle que l’état de droit, c’est la soumission de tous (y compris l’Etat) aux règles de droit parmi lesquelles les conventions internationales ratifiées”, clarifie le Bâtonnier au gouvernement.
Roy Moussa