Le système éducatif tchadien en décadence

Du jour au lendemain, les Tchadiens assistent impuissants à la décadence du système éducatif tchadien. Les politiques éducatives mises en œuvre à travers des réformes et innovations pédagogiques peinent à faire remonter la pente.

“Le monde ne doit pas se contenter d’aider les enfants à aller à l’école. Il doit également s’assurer qu’ils acquièrent effectivement des compétences de base”, déclare la directrice générale de l’Unesco, Irina Bokova. Au Tchad, rien de tel ne s’observe. L’on résume tout autour du nombre des inscrits mais pas autour des compétences acquises. C’est pourquoi, malgré les réformes engagées çà et là, le système éducatif reste égal à lui-même et pire, se détériore de jour en jour.

En effet, même si les indicateurs de performances présentés dans les données statistiques produites par le ministère de l’Éducation nationale et de la promotion civique (2021-2022), montrent que le système éducatif connaît une expansion quantitative et une amélioration par rapport à l’année scolaire 2019-2020, la qualité de son pilotage, son évaluation et les résultats, ne concordent pas.

Pour ce qui concerne son expansion, les données statistiques de 2021-2022 donnent au niveau de l’enseignement primaire, 2 719 384 écoliers dont 1 204 779 filles contre une population scolarisable de 2 982 648. Un chiffre en croissance par rapport à l’année 2020-2021. Ces écoliers sont encadrés par 48 394 enseignants fonctionnaires et communautaires compris. Le nombre d’écoles est de 11 829. A l’enseignement moyen, on compte 443 131 élèves dont 171 627 filles. Ils sont encadrés par 13 747 enseignants toutes catégories confondues dont 1 173 femmes. A l’enseignement secondaire général, les statistiques affichent 211 883 élèves dont 69 118 filles encadrés par 15 223 enseignants dont 1 164 femmes. A l’enseignement secondaire technique existent 34 établissements fréquentés par 8 788 élèves dont 3 217 filles formés par 1 255 enseignants tous grades confondus dont 7,6% de femmes.

Malheureusement, les données relèvent que les performances observées à travers les différents résultats annuels ont atteint un stade de stagnation, voire en régression. Aussi, la qualité et l’efficience du système d’éducation régressent. Les infrastructures scolaires se dégradent à un rythme effréné. Et le personnel y met peu de vouloir et n’a pas les qualifications nécessaires. Ce qui fait que l’analphabétisme persiste, et les disparités de genre n’enregistrent pas d’amélioration quoiqu’il existe des lycées féminins.

Bien que le taux d’inscription aux études primaires soit assez élevé : 86,85%, seulement 41,32% terminent le cycle. Or, en comparaison avec le Niger voisin dont la situation est similaire à celle du Tchad, le taux d’inscription aux études primaires est de 73,43%. Près de 72% terminent leurs études primaires.

 

Des réformes sans succès

Les réformes successives qu’a connues le système éducatif tchadien sont sans succès. Parmi ces dernières, l’annulation du redoublement de classe, la suppression du Certificat d’études primaires élémentaires (Cepet) et du concours d’entrée en 6ème. Ces innovations n’ont aucunement pour objet la quête de l’excellence. C’est un laisser-aller car elles ont des retombées négatives sur les résultats scolaires des élèves.

En plus, des lycées scientifiques ont été créés ces dernières années.  Malheureusement, ils ne sont scientifiques que de nom, parce qu’ils ne disposent pas des outils et personnels qualifiés adéquats. Ils sont sans labos, sans bibliothèque.

Ces réformes et innovations apportées çà et là n’avaient généralement pas été construites de manière concertée, progressive et systémique. Elles ont plutôt créé auprès des acteurs du monde scolaire, notamment les élèves, enseignants, directions, parents, … à la fois un sentiment d’incompréhension, et d’inefficacité face aux résultats.

 

Une gouvernance mal en point

“La gouvernance de l’éducation désigne les modalités de conception, de fonctionnement, de production, de régulation, de contrôle et d’évaluation du service public d’éducation mises en œuvre au travers des différentes délégations des services publics que l’État accorde à des entités publiques qui sont chacune responsable des missions sur leur périmètre d’intervention”, écrit Stéphane Germain. Là encore, le Tchad est loin de respecter ces préceptes car tout est politisé. Puisque les ressources humaines et mêmes les responsables au niveau central et décentralisé sont gérés conformément à leur appartenance politique, l’on ne tient pas compte des compétences. Il y a absence de contrôle des ressources humaines mais aussi de qualité des contenus pédagogiques.

Minnamou Djobsou Ezéchiel