La réinsertion des “filles de Mokolo” fait scandale. Alors qu’un programme pilote d’insertion lancé par la ministre Amina Priscille Longoh semblait avoir mis fin à l’activité illégale d’un groupe de travailleuses de sexe du marché Mokolo dans la capitale N’Djaména, une vidéo virale relance la polémique. Accusations de détournement, dénonciations publiques et démenti officiel s’affrontent sur fond de malaise social et de quête de dignité.
En janvier dernier, la ministre d’État en charge de la Femme et de la petite enfance, Amina Priscille Longoh, s’était rendue au marché informel de Mokolo, tristement connu pour abriter un réseau de prostitution mené par de jeunes femmes vivant dans la précarité. Face à la détresse sociale de ces ex-travailleuses du sexe, la ministre avait promis un accompagnement vers la réinsertion à travers des formations aux petits métiers, appui matériel, encadrement professionnel. Le projet, mis en œuvre par la Maison nationale de la femme, a été lancé aussitôt et plusieurs travailleuses de sexe avaient quitté ces lieux contraires aux us et coutumes pour suivre le programme de réinsertion. Au terme de ces formations, un appui en matériels a été prévu pour accompagner pratiquement ces femmes. Mais, cette phase semble tourner au vinaigre.
Des mécontentements s’enchaînent et la Maison de la femme recadre
Il y a deux jours, une vidéo de certaines ex-travailleuses de sexe a fait le tour des réseaux sociaux, dénonçant la ministre elle-même et les responsables de la Maison de la femme. Elles affirment n’avoir reçu aucun des dons promis, accusent les autorités de s’être servies de leur image à des fins de communication voire d’enrichissement personnel et affirment que les équipements destinés à leur réinsertion n’ont jamais atteint les bénéficiaires.
Face à la montée de l’indignation qui a fait une tôlée, la Maison nationale de la femme de son côté a réagi le jeudi dernier à travers un communiqué de démenti formel, récusant toute accusation de détournement. Elle précise que les équipements et un fonds de 5 millions de francs CFA ont bien été reçus du ministère, et qu’un local professionnel a été loué et équipé pour accueillir les ex-travailleuses dans un cadre collectif de travail, comme prévu par le projet. “Il n’a jamais été prévu de distribuer individuellement les équipements”, précise le communiqué. “Le programme vise une réinsertion collective, structurée autour d’un espace commun, équipé et encadré, afin de garantir un environnement sécurisé et propice à une insertion durable”, ajoute le communiqué. Quant aux vidéos accusatrices, la Maison de la femme y voit l’œuvre de quelques bénéficiaires déçues, qui “préfèrent des partages individuels que de suivre la vision du projet”. Elle dénonce une campagne de diffamation orchestrée par des cercles malveillants. Malgré les avis contrastés, la polémique demeure.
Lissoubo Olivier Hinhoulné