Les lycées féminins à la croisée des chemins

Créés dans le but de favoriser l’éducation des filles, les collèges et lycées féminins au Tchad battent de l’aile faute de moyens humains, matériels et financiers adéquats. Un souffle nouveau s’avère nécessaire pour redorer le blason de ces établissements qui ont fait leur preuve en son temps.

Depuis plus de 20 ans, c’est le lycée féminin d’Amriguébé situé non loin du Champ des fils avec un effectif qui va de 650 à 1500 élèves qui donne une visibilité aux lycées féminins publics. Rénové par le ministère de l’Éducation nationale avec l’appui de ses partenaires, notamment la Banque africaine de développement (Bad), le lycée féminin d’Amriguébé est le seul à faire son bonhomme de chemin en dépit des difficultés de tous ordres. “C’est un lycée qui a fait ses preuves depuis une vingtaine d’années. Nos toutes premières élèves sont devenues des fonctionnaires depuis longtemps, certaines sont dans le privé, tout cela est encourageant”, témoigne un ancien surveillant de ce lycée. Ce témoignage réjouissant tranche avec les difficultés rencontrées par cet établissement féminin de N’Djaména, notamment l’insuffisance des enseignants, du matériel didactique, le problème d’orientation des filles, le taux d’abandon scolaire élevé, la non prise en compte des besoins spécifiques des filles dans les curricula scolaires, le manque de bibliothèques, etc. Ailleurs, dans les provinces, les lycées féminins battent de l’aile. Certains ont dû mettre la clé sous le paillasson à l’instar de celui de Sarh. Selon les informations obtenues auprès de la direction de la scolarisation des filles, il y a trois collèges et/ou lycées féminins publics qui sont fonctionnels au Tchad : le lycée féminin d’Abéché, de N’Djaména, et de Sarh. “Ce qui est insuffisant pour un pays qui fait de l’éducation des filles une priorité”, rapporte un ancien directeur de la scolarisation des filles sous le couvert de l’anonymat.

Face à cette situation peu reluisante dans laquelle se trouvent les lycées et collèges féminins, le ministère de l’Éducation nationale et de la promotion civique a reçu de ses partenaires un appui pour revigorer ces établissements féminins. C’est ainsi que dans le cadre du projet Éducation des filles et alphabétisation des femmes (Efaf) financé par la Banque africaine de développement (Bad), il est prévu la construction des nouveaux lycées féminins à Pala dans le Mayo-Kebbi ouest, à Moundou dans le Logone occidental, à Massakory dans le Hadjer Lamis et la réhabilitation d’un lycée à Sarh dans le Moyen-Chari. D’après nos sources à la direction de la scolarisation des filles, la phase d’instruction a déjà eu lieu. Dans la phase 2 du projet, il y aura uniquement la construction de nouveaux lycées féminins et leur équipement pour encourager l’envoi et le maintien des filles à l’école et à terme augmenter le taux d’achèvement du cycle secondaire des filles qui est un des plus faibles de la sous-région.

 

Des lycées féminins catholiques tiennent la draguée haute

Au niveau de l’enseignement catholique, il y a deux établissements secondaires féminins fonctionnels à nos jours, les autres sont tous mixtes. Il s’agit du Lycée-Collège notre Dame des apôtres de Moundou qui a pourvu plusieurs générations de jeunes filles aujourd’hui actives dans la vie professionnelle et le collège de l’Assomption de N’Djaména. Ce dernier a réalisé une prouesse en se hissant à la deuxième place du classement des lycées du Tchad au baccalauréat au titre de l’année scolaire 2020-2021. A la base, l’objectif de faire émerger les établissements secondaires féminins est l’éducation des filles à travers un encadrement approprié confiée à des religieuses. Mais subtilement, informe une source à la direction de l’enseignement catholique, “c’est une manière d’insuffler la pastorale aux filles dans cette éducation”. Au début, ces établissements féminins d’enseignement secondaire sont soutenus par l’Église. Mais à la suite de réflexions menées par la direction de l’enseignement catholique qui se sont soldées par des accords de partenariat, ces établissements sont soutenus par un consortium constitué de l’Église, des parents d’élèves et l’État tchadien. Dans ces établissements féminins catholiques, l’accent est mis sur la formation de l’homme dans la rigueur et la discipline, valeurs cardinales prônées par l’Église catholique.

Qu’ils soient catholiques ou publics, les lycées féminins au Tchad doivent bénéficier d’une attention toute particulière de la part des autorités de l’Éducation nationale. Car l’atteinte des taux encourageants de l’éducation des filles tant vanté par les politiques en dépend.

Gaspard Boulaledé