L’Etat agonise le secteur privé

Les commerçants tchadiens battent de l’aile à cause du non-paiement de leurs factures par l’Etat. Malgré l’annonce du président de la République pour l’apurement partiel de la dette intérieure, surtout pour les petites entreprises, le décaissement pose problème. Ce que déplorent le syndicat des commerçants et le Conseil national du patronat tchadien.

“Le problème de la dette intérieure constitue une des principales préoccupations du secteur privé dont se charge le Conseil national du patronat tchadien (Cnpt). Ce problème a été posé à plusieurs reprises aux autorités de la République qui ont bien voulu engager un cabinet d’audit international pour pouvoir évaluer ces dettes. Il ressort de cette évaluation que la dette intérieure s’élève à 2000 milliards de francs CFA et constituent un goulot  d’étranglement pour les entreprises du secteur formel qui attendent le paiement depuis des années”, renseigne Dingamnayal Renaud, secrétaire général du Conseil national du patronat tchadien.

Face aux difficultés des entreprises du secteur privé, et avec l’apparition de la pandémie de la Covid-19, le président de la République a annoncé en avril dernier un décaissement de 110 milliards francs CFA pour le paiement partiel de la dette intérieure en vue de relancer la petite économie. Mais jusque-là, les opérateurs économiques éprouvent de difficultés à entrer en possession de leurs dus. Ils déplorent le processus du traitement des dossiers qui a été bloqué par plusieurs contrôles d’Etat. Le Syndicat national des commerçants tchadiens, après moult tractations sans résultat, se contente des déclarations appelant le président de la République à se saisir de cette épineuse question de la dette intérieure. Pour l’instant, le comité chargé de suivi des retards sur le règlement des factures du Syndicat national des commerçants tchadiens, se réserve le droit de saisir les juridictions internationales. “Les commerçants ont adressé plusieurs correspondances au gouvernement pour revendiquer le paiement de leurs dus, mais ces correspondances sont restées sans suite favorable depuis plusieurs années. Aujourd’hui, les commerçants n’arrivent plus à tourner leurs affaires à cause de l’Etat qui ne respecte pas ses engagements vis-à-vis de ses partenaires et fournisseurs”, déplore Wardougou Djimi Chetté, président du Comité de suivi du syndicat national des commerçants tchadiens. Le non-respect des engagements par l’Etat tchadien a des conséquences très lourdes. “Les commerçants sont largement victimes des harcèlements par leurs banques pour non-paiement des créances qui occasionne la multiplication des agios sur les crédits contractés par les opérateurs économiques qui sont considérés désormais comme des clients douteux”, souligne Wardougou Djimi Chetté. Il estime la dette des commerçants membres du syndicat à quelque 99 867 819 milliards francs CFA.

Au niveau du Cnpt, on estime la dette à environ deux mille milliards. “Nous avons entamé des démarches qui ont abouti à cette promesse de décaissement partiel pour un apurement progressif. Malheureusement, malgré les annonces faites par le gouvernement, les entreprises membres du patronat n’ont pas encore perçu, ne serait-ce que partiellement ce que l’Etat leur doit”, déplore de son côté le Sg du patronat, Dingamnayal Renaud.

Au sujet du blocus dans le traitement des dossiers des commerçants, le Sg déplore le fait qu’il y ait trop de contrôles qui se font de manière compromettante au niveau des entreprises. “Dans les entreprises adhérentes au Cnpt, il leur arrive d’avoir trois à cinq contrôles à la fois et nous avons toujours décrié cela. Surtout le fait que l’inspection d’Etat vienne s’ajouter au service des impôts pour contrôler les entreprises”, décrie Renaud.

En plus de ces nombreux contrôles qui bloquent le circuit des dossiers, les opérateurs économiques dénoncent une pratique malsaine de certains fonctionnaires au ministère des Finances et du budget.

“Notre administration est gangrénée par la corruption. Si vous avez votre argent au Trésor public, même si tous vos papiers sont en règle, certains fonctionnaires véreux exigent que vous cédiez 10 à 20%. Malheureusement il existe des commerçants qui acceptent de jouer à ce jeu-là, parce qu’à force d’attendre deux à cinq ans, ils craignent de mourir sans pouvoir accéder à leur dû, ils cèdent aux yeux malsains de certains fonctionnaires”, dénonce Wardougou Djimi Chetté.

Nadjidoumdé D. Florent