A la faveur d’un accord de paix signé entre le gouvernement et le comité d’autodéfense de la zone aurifère de Miski, dans la province du Tibesti, les appétits guerriers doivent enfin faire place au dialogue.
Grâce aux négociations secrètes lancées à la fin du mois d’octobre, un accord préliminaire a été signé après d’âpres discussions au Palais rose, le 30 octobre 2019, à l’issue d’un tête-à-tête entre le président Déby et les membres de la délégation du comité d’autodéfense de Miski. Puis, quelques jours après, un autre accord dit définitif comportant une dizaine de pages a été paraphé à Miski. Selon Molly Sougui, porte-parole du comité d’autodéfense, tout ceci a été rendu possible, grâce à la médiation des sages de la région.
Molly Sougui a aussi indiqué que les discutions avec les autorités de N’Djaména ont porté sur “des questions pendantes”. Ces questions constituent l’axe central de l’accord définitif et concernent, entre autres, l’annulation de tous les permis d’exploitation de l’or accordés, la mise en place d’une commission bipartite pour étudier une exploitation de l’or du Tibesti dans un cadre légal, le dédommagement des victimes du conflit, l’amnistie pour tous les membres du comité d’autodéfense, l’abrogation de l’ordonnance sur le découpage territorial, le retrait de l’armée tchadienne, le démantèlement de ses bases et son remplacement par la police. Le président de la République se voit contraint d’accepter trois de leurs exigences avant même la signature de l’accord définitif. Il s’agit principalement de l’abrogation de l’ordonnance polémique sur le découpage territorial qui a rattaché la sous-préfecture de Yebbi-Bou à la province du Borkou, alors que ses habitants se réclament de la province du Tibesti. Le raïs a également fléchi les genoux quant à la suspension des permis d’exploitation minière et le rétablissement des chefs traditionnels limogés de leurs fonctions.
Déby a dû se rendre à l’évidence, après une année d’affrontements, qu’il est devenu quasi-impossible de reprendre pied par la force. Les offensives lancées sans cesse par ses troupes d’élite sur cette zone montagneuse connue dans les moindres détails par ses occupants se sont heurtées chaque fois à une résistance farouche. Plus inquiétant encore pour N’Djaména, c’est la menace du comité d’autodéfense de faire alliance avec de nombreux groupes rebelles tchadiens basés dans le sud-libyen, qui rêvent toujours de renverser le régime en place. Ainsi, le soldat Déby a tout à perdre en campant sur sa logique guerrière qui risque de lui enlever tout contrôle sur une zone stratégique en faveur de ceux qu’il qualifie de terroristes et mercenaires.
Victoire !
Sur tous les points, comme on peut le constater, l’histoire retiendra la victoire du comité d’autodéfense sur le gouvernement du Général d’armée et sur ses soldats réputés meilleurs dans la bande sahélienne. Que ce soit au Palais rose comme sur le terrain de guerre, à Miski, les natifs du Tibesti n’ont pas fléchi devant ceux qui les ont qualifiés de tous les noms d’oiseaux. Ils ont même réussi à écarter de leurs chemins des négociations un certain Mahamat Abali Salah, fils du Tibesti, leur frère de sang fait stratégiquement ministre de la Défense nationale par celui qui veut dépouiller leur sous-sol de ses précieuses richesses. Une fois au gouvernement, l’ivresse du pouvoir l’a emporté, l’amenant à qualifier le comité d’autodéfense de sa terre natale de structure “imaginaire” et d’une “invention d’activistes en exil”. Son absence remarquée lors des négociations est proportionnelle au fossé qui le sépare désormais des siens. Ceci est la conséquence d’un choix, le choix de servir contre son camp. Mais, l’accord définitif obtenu par le comité d’autodéfense est une victoire pour la paix dans le Tibesti, également pour les populations d’autres localités du Tchad tenues pendant des décennies à l’écart des richesses à elles pourvues par la nature, au nom d’une arbitraire puissance régalienne téléguidée par des hommes dont la boulimie ne n’est point à démontrer.
En réalité, la situation de Miski constitue déjà le vécu des populations de la province du Batha par exemple, où l’or est exploité depuis trois ans dans une opacité la plus totale. “Nous sommes contre cette politique de deux poids deux mesures qui concède plus d’avantages à une province au détriment d’une autre se trouvant dans la même situation. L’or est exploité dans la province du Batha de façon vraiment informelle, et en retour l’on ne bénéficie de rien du tout. Nous sommes en train de nous organiser pour porter nos réclamations”, selon Rakhis Ahmat Saleh, député de la province du Batha, murmurant ainsi au micro de nos confrères de la Radio France internationale (Rfi). Comme quoi, la guerre de l’or est plausible partout ailleurs sur le territoire national. Et si les populations des provinces productrices de pétrole, qui sombrent aujourd’hui dans la misère, se révèlent aussi jalouses de leur sous-sol, nous assisterons sans doute au combat des “gouverneurs de la rosée” décrit par le célèbre écrivain Jacques Roumain
Alladoum leh-Ngarhoulem G.