Mahamat Kaka s’offre un gouvernement à sa guise

Le 6 février 2025, le pouvoir en place a dévoilé son nouveau gouvernement, dirigé par le Premier ministre reconduit, Allah-Maye Halina. Il compte 37 membres. Un remaniement qui s’est révélé être un simple jeu de chaises musicales, avec sept nouveaux visages sur la vingtaine de postes ministériels.

Les autres ministres ont été reconduits, laissant peu de place au changement. Parmi les nominations notables, le Dr Abdoulaye Sabre Fadoul prend pour la première fois, depuis la trentaine d’années que dure le règne des Itno, les rênes du ministère des Affaires étrangères. Il succède à l’auteur tchadien des “Pieds nickelés” Abdéramane Koulamallah, qui s’était offert en spectacle, lors du “petit incident” survenu au Palais présidentiel, en début de janvier dernier. Comeback au ministère de l’Éducation nationale : Aboubakar Assidick Tchoroma prend la place de Mamadou Boukar Gana. C’est un retour aux affaires de notre ancien confrère, déjà ministre dans ce département qui peine à retrouver ses lettres de noblesse. Youssouf Tom, magistrat de formation, ancien Procureur de la République, prend la tête du ministère de la Justice. Il abandonne en chemin la lutte contre la corruption qui gangrène l’administration publique tchadienne, dont il est le Contrôleur général de l’Autorité en charge. Gassim Chérif, ex-politico-militaire, devient ministre porte-parole du gouvernement, symbolisant une tentative d’intégration des anciens opposants armés. Ce qui n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. Zara Mahamat Issa hérite du ministère de l’Action sociale à la place de dame Fatimé Boukar Kosseï.  Maïdé Hamid Lony remplace Abakar Djarma Aumi au ministère de la Jeunesse et des Sports. Enfin, Amir Idriss Kourda succède à l’actuel Secrétaire général du Mouvement patriotique du salut, Aziz Mahamat Saleh au ministère des Infrastructures. Ce dernier a été dernièrement nommé comme ministre conseiller spécial à la présidence de la République. Les autres ministres conservent leurs fauteuils. Un changement dans la continuité.

Au-delà des quelques changements, ce remaniement semble davantage refléter une continuité. La sous-représentation des régions méridionales du pays est flagrante. La composition du gouvernement demeure largement dominée par le Mouvement patriotique du salut (Mps) et ses alliés. Pourtant, le Premier ministre, Allah-Maye Halina, avait déclaré qu’il s’évertuera à composer son gouvernement en prenant en compte la diversité d’opinion afin de rendre crédible son gouvernement. Un discours politique. Toutefois, les attentes de la population vont au-delà des simples promesses. Le peuple tchadien aspire à un gouvernement inclusif, représentatif et engagé dans des réformes profondes pour améliorer les conditions de vie et renforcer la cohésion nationale. Cette situation soulève des interrogations sur la volonté réelle des autorités d’inclure toutes les composantes de la nation dans la gestion des affaires publiques.

 

Un remaniement qui réconforte une caste au pouvoir

Loin d’apporter un vent de renouveau, le remaniement ministériel du 6 février 2025 s’est mué en un simple réajustement, consolidant une élite qui semble tenir les rênes du pays d’une main de fer. Si certains nouveaux visages font leur apparition, l’essence du pouvoir demeure entre les mains d’une caste bien rodée, dont certains membres traînent des casseroles qui interrogent sur la sincérité du gouvernement dans sa quête d’un développement équitable. Dans la répartition des portefeuilles, l’on retrouve des figures déjà bien installées dans l’appareil d’État, certaines étant même perçues comme des freins à la mise en œuvre des politiques publiques. Des ministères stratégiques, en particulier ceux liés aux finances et aux grands travaux, restent sous le contrôle d’hommes dont les méthodes de gestion ont souvent été décriées pour leur opacité et leur manque de considération pour l’intérêt général.

L’une des critiques les plus récurrentes porte sur la gestion des ressources publiques, où des blocages arbitraires empêchent le financement de projets pourtant cruciaux pour le pays. Lorsque des infrastructures vitales peinent à voir le jour et que l’investissement dans des secteurs clés est ralenti, la population est en droit de s’interroger sur les véritables motivations de ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Le manque de transparence dans l’affectation des fonds et le mépris affiché envers certaines revendications légitimes nourrissent le sentiment d’une gouvernance élitiste, déconnectée des réalités du terrain.

Le remaniement ministériel entrepris par Allah-Maye Halina est loin d’être la rupture attendue. Elle apparaît plutôt comme une occasion manquée de renouveler profondément la classe politique tchadienne et de répondre aux aspirations d’un peuple en quête de justice sociale et de développement équitable. Comme le dit un proverbe africain, “le mensonge donne des fleurs, mais pas de fruits.” À force de reconduire des figures déjà contestées, le gouvernement prend le risque de s’enfermer dans une spirale où la défiance populaire ne fera que croître, surtout quand on sait que les attentes sont nombreuses. Alors que le Premier ministre lui-même est incapable d’animer l’action du gouvernement comme préconise sa fonction.

Lissoubo Olivier Hinhoulné